Les découvertes récentes de richesses
minières dans le bassin de Taoudéni, large de 1,5 million de km2 partagé entre
le Mali, l’Algérie, la Mauritanie et le Niger provoquent un vif intérêt pour le
Sahel.
Qu’est-ce qui fait courir Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) ? La question
intrigue les spécialistes du dossier, qui voient dans le changement
d’orientation de l’ex-GSPC et l’intérêt renouvelé des grandes puissances, une
nouvelle donne propre à tout le bassin de Taoudéni, cette zone de 1,5 million de
km2 allant de la Mauritanie au Niger, en passant par le Mali et l’Algérie,
connue comme étant un réservoir de gros gisements d’hydrocarbures, d’uranium et
de fer. Avant que la première goutte de pétrole ne sorte du sol de Mauritanie,
le 13 mai 2001, le pays n’intéressait pas les «barbus», ni leurs commanditaires.
Une attaque massive
Moins de quatre ans après cet événement, l’armée mauritanienne subissait une
attaque massive à Lemghtey, en juin 2005, à l’extrême nord-est du pays, tout
près de l’Algérie. Cette attaque, revendiquée alors par le GSPC, était la
première du genre. Depuis, le harcèlement est quasi quotidien. Pour les adeptes
de la théorie du complot, l’insécurité fait le jeu d’intérêts étrangers qui
veulent prendre part au nouvel eldorado minier.
Il y a peu, le groupe pétrolier français Total annonçait le début de sa phase
test de production des hydrocarbures sur ce même bassin de Taoudéni, partie
mauritanienne. Le premier forage révèle des indices très probants. Total
n’embarque pas seul dans cette aventure, s’étant associé avec Sonatrach et Qatar
Petroleum International.
D’immenses découvertes gazières
Le contexte politique actuel est peu propice aux révélations sur le potentiel de
production. Nul doute que Jean François Arrighi de Casanova, directeur Afrique
du Nord de Total, qui a été reçu par le président mauritanien fin, septembre lui
a fait état de la situation dans le département de Ouadane.
Les informations font état d’immenses découvertes gazières freinant la
progression du puits vers la zone pétrolière. Malgré la consigne de prudence,
quelques responsables de Total et leurs partenaires chinois cèdent à l’euphorie
en parlant d’« importantes découvertes ». La question intéresse de près les
émirs d’AQMI, qui suivent les avancées des explorations, tant en Mauritanie
qu’au Mali. Dans ce dernier pays, un gisement situé à 750 km au nord de
Tombouctou se trouve, comme par hasard, dans l’une des zones de prédilection de
la mouvance islamiste.
Une géopolitique compliquée
A cet appétit islamiste s’ajoute une géopolitique compliquée, marquée par des
ex-rébellions touarègues au Niger et au Mali, encore armées et prêtes à tout
faire pour profiter des richesses extraites de leurs terres ancestrales.
D’ailleurs, la patronne d’Areva, Anne Lauvergeon, ne s’y est pas trompée, en
fonçant tout droit à Imouren (66, 65% des parts pour Areva, le reste pour l’Etat
du Niger) lors de son dernier voyage au Niger, courant octobre. C’est dans cette
zone que va débuter une nouvelle exploitation d’uranium sur fond de contestation
touarègue et de promesses, tant de la partie française que du gouvernement
nigérien lui-même. Très influents chez les touarègues nigériens et maliens,
Alger et Tripoli détiennent une partie des clés de la région. De là vient la
paralysie partielle de Bamako dans la lutte contre AQMI. Difficile d’envoyer un
soldat malien dans la région sans réveiller une rébellion qui, à défaut de
combattre AQMI, partage avec elle le même territoire et, parfois, les mêmes
armes. Le gouvernement malien, qui n’a pas la même vision qu’Alger, préférerait
sans doute s’amputer une jambe (en l’occurrence le nord du Mali) que de
courroucer un voisin trop puissant et qui pourrait manipuler l’AQMI à défaut de
le contrôler.
Adama Wade