Afrique


Lettre d’un Congolais à Monsieur le président François Hollande


Monsieur le Président, François Hollande, vous voilà sur les terres congolaises à Kinshasa. En tant que Congolais, je me demande bien le sens et l’intérêt de votre voyage dans le cadre du sommet de la Francophonie.

 

 

Que peut attendre la République démocratique du Congo?

Monsieur le Président, je sais que vous n’avez pas la tâche facile en venant à Kinshasa. Mais maintenant que vous y êtes, donnez-nous de l’espoir, du rêve, l’occasion de croire qu’on peut faire mieux.

Bien entendu en ayant un discours musclé, sincère et direct. Et les sujets brulants dans ce pays qu’est la RD Congo sont multiples. De la rébellion dans l’est, au manque de liberté et de démocratie, voire les dernières élections organisées dans ce pays, etc.

Je crois qu’il ne fallait pas attendre l’occasion du sommet de la Francophonie pour s’exprimer sur ces questions. Reste que de cette tribune et avec tous les regards des pays francophones tournés vers Kinshasa, tout ce que vous direz sera probablement entendu. Et après?

Qu’est ce que votre séjour de quelques heures va changer dans le quotidien des Congolais? Pas grand-chose. A part que pour votre venue et celle du sommet de la Francophonie, les rues de Kinshasa ont été vidées des marchands ambulants qui tentent de gagner leurs vies en vendant ce qu’ils peuvent.

Certains ont été contraints de fermer boutique, parce qu’ils occupaient des places dont l’Etat a soudain remarqué l’illégalité ou la dangerosité. Sans votre venue, probablement que ces commerçants seraient encore en train de vendre pour espérer nourrir leurs familles.

Soit! Du moins, la ville est devenue propre. Pour les coins qui ont été aménagés pour vous et les hôtes de marque de la Francophonie.

Ailleurs, rien n’a changé. La crasse, l’insécurité, coupures d’électricités et manque d’eau. Le lot des difficultés quotidiennes se poursuit en plus des problèmes de transport dûs à la fermeture de quelques rares axes routiers que compte la ville de Kinshasa.

Et après? Qu’est ce qui va changer pour les Congolais? Qu’allez-vous apporter à ceux qui attendent quelque chose de votre part en plus du discours et de quelques promesses? Qu’allez-vous voir ou apprendre de la réalité congolaise à part ce qui vous sera présenté?

Je crois que vous n’êtes pas dupe pour savoir qu’une grande partie de la misère de ce peuple vous est cachée par le faste du sommet de la Francophonie. Vous ne resterez même pas longtemps à Kinshasa pour y passer la nuit. Même si vous y restiez, vous seriez dans un coin hyper-sécurisé, déconnecté de la vraie vie kinoise.

Et même, que pourriez-vous faire? Un miracle? A Kinshasa, les églises sont si nombreuses qu’on peut croire que Dieu y vit. Hélas, jusqu’à ce jour aucun miracle de grande envergure ne s’est jamais produit, que ce soit pour mettre fin aux guerres cycliques dans l’est ou pour l’amélioration des conditions de travailleurs ou de l’indépendance de la justice.

Je crois que les câbles et autres rapports officiels et officieux vous renseignent autant que possible de ces réalités que vous ne pourrez pas voir ou palper du doigt.

Pour ce qui est des Congolais, il vous sera un peu compliqué de faire quelque chose. Je ne suis pas pour autant pessimiste. Et c’est normal. Vous n’êtes pas à la base du malheur des Congolais et vous ne devez pas les infantiliser davantage en venant à leur chevet.

Je pense que vous devriez les laisser face à leurs responsabilités pour résoudre leurs problèmes de politique interne comme cela est le cas dans ces pays de démocratie et de droit qui se respectent.

On vous parlera certainement des irrégularités qui ont entachée les dernières élections. Et alors? Que faire? Faire partir les autorités qui vous ont invité? Les tacler au risque de créer des incidents diplomatiques qui n’en valent pas la peine? Pas besoin.

Ou bien, vous direz aux opposants congolais que vous les comprenez et que vous veillerez à ce que la culture de la transparence et du respect des résultats des urnes puisse devenir une réalité au Congo comme cela l’a été au Sénégal par où vous êtes passé avant Kinshasa?

Pas facile en tout cas, j’en conviens. Comment alors vous en sortir dans un pays, où la liberté de la presse est souvent mise à mal et la justice n’est pas indépendante, sans parler des droits de l’homme? Vous avez en mémoire le cas de l’affaire Floribert Chebeya, défenseur des droits de l’homme assassiné. Le procès a été renvoyé à une date ultérieure au sommet.

Je serai tenté de dire que l’après sommet risque fort de ressembler à l’avant. Juste un vent de la Francophonie qui sera passé par Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo. Avec une page d’histoire qui retiendra qu’un sommet de la Francophonie a été organisé en RDC sous la présidence de Joseph Kabila. Un pari réussi alors que Mobutu avait échoué avant lui.

Monsieur le Président Hollande, je tiens à vous faire remarquer que, la tenue de ce sommet dans la capitale congolaise était un grand défi. Certains travaux avaient pris du retard, l’hôtel du Fleuve aménagé tel qu’il est aujourd’hui relève d’un exploit.

Elargir les routes, c’était un autre défi, même si certaines ne tiendront pas longtemps. Les autorités congolaises peuvent se targuer la poitrine et dire « nous avons réussi ». Avec un peu de volonté et le sens de l’honneur, elles sont parvenues à faire en un temps limité beaucoup de belles choses pour la Francophonie.

Monsieur le président François Hollande, posez leur la question de savoir pourquoi rien n’est fait dans ce sens pour améliorer le quotidien de la population congolaise? Est-ce faute de moyen ou de volonté politique? Au point que certains Congolais en arrivent à souhaiter que chaque année des sommets soient organisés en RDC en changeant de villes, gage de voir des changements s’opérer sur toute l’étendue de la république.

Monsieur le Président, je serai tenté de croire que si ce sommet était organisé à Goma, dans la province du Nord-Kivu, une solution urgente aurait pu être trouvée pour mettre hors-jeu les rebelles du M23.

J’aimerais bien voir le changement que vous avez prôné pendant votre campagne en France, être communiqué à vos homologues africains et à mon pays, maintenant.


Jacques Matand’


Source:
http://blog.slateafrique.com

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