Dans la région du fleuve Sénégal, à 80
kilomètres de Boghé, dans le sud mauritanien, le village de Loboudou mène,
depuis 2007, un projet d’écotourisme. Récit.
Une prairie en Mauritanie © Zain A.B/Flickr/CC
C’est la poignée de main ferme et le
sourire amical du chef du village qui accueillent le visiteur à Loboudou, un
village du sud de la Mauritanie.
Une poignée de mains qui en dit long sur l’engagement et le dynamisme d’Ali et
de son village dans la sauvegarde de l’environnement et le développement
durable.
A quelques mètres du puits et de l’école du village, face à la forêt restaurée
du Walaré-Tguedy, quatre cases se tiennent autour de deux tentes
traditionnelles: c'est l’auberge de jeunesse Salayel.
Créée par l’association du même nom, l’auberge Salayel, dont une partie des
recettes est destinée à soutenir les projets communautaires, œuvre pour le
développement d’un tourisme équitable et intégré dans une région délaissée par
les voyageurs.
Une philosophie, celle du partage
«On veut que les communautés conservent et préservent leurs traditions, leur
patrimoine culturel et naturel, mais on ne veut pas qu’elles restent fermées sur
elles-mêmes», explique Ali.
Plus qu’une structure d’accueil, Salayel ("petit pont" en pulaar) est une
philosophie: celle du partage et de l’échange interculturel entre les visiteurs
et les villageois. Des villageois spontanés, ravis de faire découvrir leur
milieu et leurs activités.
Des visiteurs, qui selon leurs intérêts, iront à la rencontre des agriculteurs,
des éleveurs, des apiculteurs, des pêcheurs, des griots, des brodeuses, des
instituteurs militants pour le reboisement, des élèves cultivant leur potager
dont les légumes seront cuisinés par les cantinières, des maçons spécialisés
dans la construction de maison sans bois, tous organisés en comités ou en
coopératives et impliqués dans le projet de développement de Loboudou.
L’activité d’écotourisme apparaît alors comme une manière d’amener les
villageois, à reconsidérer et à valoriser la richesse de leur patrimoine.
Un engagement écologique
Ce village, à l’organisation sociale participative, vise l’autosuffisance, mais
il dépend de l’aide nationale et internationale pour mener à bien sa lutte pour
la préservation du milieu.
C’est en 1985 que naît la réflexion: les récits des sages du village décrivaient
des arbres que les villageois ne voyaient presque plus. Face à la sécheresse et
à l’abattement généralisé des arbres, l’inquiétude apparaît.
Et, afin de sauvegarder un écosystème qui ne devrait pas seulement vivre dans
les récits des aïeux, plusieurs projets vont être menés par le village.
Pour le reboisement, par exemple, qui continue d’être une priorité, les
villageois ont mené à l’école une expérimentation sur la germination des
semences de celtis, alors en voie de disparition.
Depuis, la reforestation par génération naturelle a été rendue possible grâce à
la volonté des villageois et à la collaboration d’organisations internationales
qui ont fourni l’aide matérielle pour l’installation de clôtures.
Le gouvernement a aussi contribué à l’extension de ce projet à travers son
programme de développement régional communautaire.
D’autres projets comme la mise en place d’une zone de protection des oiseaux ou
la formation communautaire pour la construction des maisons sans bois continuent
d’être menés.
Des réponses locales
Des expériences qui sont d’ailleurs élargies aux villages de la commune de
Dar-el-Barka, puisque des rencontres sont organisées pour discuter et apporter
localement des réponses aux problèmes environnementaux, dont le plus préoccupant
aujourd’hui est l’érosion des sols.
L’activité d’écotourisme développée par le village s’inscrit dans un projet
écologique plus large, qui tend à s’étendre.
«On aimerait que ce projet profite à toute la commune, sensibiliser les
populations des villages voisins au tourisme équitable, à la déforestation et à
l’érosion des sols», explique Ali, qui souhaite initier une culture de l’échange
et du partenariat.
Afin d’identifier les sites et les ressources locales à mettre en valeur dans la
commune, un circuit a été élaboré en collaboration avec les autres villages.
Les touristes se faisant rares dans la région, les villageois ne verront pas
leur circuit se réaliser.
Loboudou ne ferme pas pour autant son auberge qui reste ouverte aux visiteurs
mais qui est aussi utilisée pour accueillir les réunions, les formations locales
et parfois même pour héberger des villageois sinistrés, comme à la suite des
intempéries de 2008.
Cet article a été initialement publié sur CityMag, mensuel de Nouakchott.