Yasmin Bendaas, une anthropologue, a
essayé de perçer le mystère des tatouages traditionnels algériens.
Elles sont âgées et affublées de tatouages sur le visage. Toutes sont nées dans
les années 1930, dans l'Algérie coloniale. A quoi ressemble leurs tatouages? Des
lignes et des points. Sur le front, le menton, parfois les joues. Quand on
s'aventure à leur demander ce que cela signifie, ces vieilles femmes répondent
«j'étais petite, je ne me souviens plus.»
Yasmin Bendaas a essayé de perçer le mystère des tatouages traditionnels
algériens. Dans un article publié sur le site Your Middle East et intitulé The
Story of Algeria's traditional tattoos, elle raconte l'enquête qu'elle a mené
dans la région des Aurès en Algérie:
«L'été dernier, lorsque j'ai interviewé Massouda Ibrahimi, elle avait 78 ans.
Assise dans sa maison à El-Madher, elle essayait de se remémorer tout ce qui
pouvait se ratacher à ses tatouages. C'est à l'âge de cinq ans qu'elle a été
tatouées, mais elle n'en sait pas plus.»
Les souvenirs ont disparu, comme la tradition. Selon Yasmin Bendaas, seules les
femmes nées à une certaine époque portent la marque de ces tatouages, notamment
dans la région montagneuse des Aurès, dans l'est de l'Algérie.
Les femmes qu'elle a interrogées ne connaissent pas la signification de leur
tatouage car la plupart n'ont pas choisi le motif qui est inscrit sur leur front
ou leur joue. C'est la tatoueuse, appellée adasiya, qui marquait à sa guise le
visage des jeunes filles. Ces pratiques étaient souvent liées à la guérison,
précise Yasmin Bendaas. Les adasiya étaient des gitanes venus du Sahara, de Sidi
Aysa ou d'Oran.
D'après Yasmin Bendaas, c'est la disparition des adasiyas qui a entraîné le
recul de la tradition. A cette époque, ces femmes voyageaient à dos d'âne et
frappaient aux portes des maisons pour offrir leurs services. Le mari de
Massouda Ibrahimi se souvient que les tatouages étaient alors une marque de
féminité: «la femme sans tatouages ??n'était pas une femme.»
Dans un article publié sur le site de la chaîne qatarie al-Jazeera, la jeune
femme revient sur le mythe qui voudrait que ces tatouages protégeaient les
femmes des soldats français dans l'Algérie coloniale, en les rendant peu
attractives aux yeux des Occidentaux. Selon Yasmin Bendaas, ce mythe n'est pas
dénuée de fondement. Elle explique que certains tatouages symbolisaient l'homme
ou le soldat algérien en combat. Il n'est donc pas impossible qu'ils aient eu
une portée politique, mais cela ne peut être la seule explication.
Source:Slateafrique