En organisant un week-end de rencontre et de débats dans le Rif, le parti Authenticité et modernité (PAM) a récemment relancé le débat sur la légalisation partielle du cannabis marocain. Et compte déposer une proposition de loi en ce sens dans les semaines à venir.
90 000 familles marocaines vivraient encore de la culture
du cannabis
Le débat sur la légalisation du cannabis refait surface au Maroc. Le
week-end-dernier, le parti Authenticité et modernité (PAM) a organisé une série
d'évènements dans le Rif, région productrice du kif marocain, pour promouvoir
son projet de libéralisation à usage thérapeutique. Le parti au tracteur a ainsi
rassemblé, samedi 5 avril, près de 2 500 agriculteurs à Bab Berred, avant
d'organiser le lendemain une journée de débat avec des ONG et des responsables
politiques locaux à Chefchaouen.
"L'objectif de ces journées étaient d'entendre ce que les agriculteurs - qui
sont quand même les premiers concernés - avaient à dire sur le sujet, mais aussi
de présenter notre programme", assure Mehdi Bensaïd, député du PAM. En décembre
2013, son parti avait déjà fait parler de lui en organisant un débat sur la
légalisation du cannabis thérapeutique au Parlement. Cette initiative avait été
plutôt bien accueillie par les élus des différents bords. Conséquence :
l'Istiqlal, parti historique de l'indépendance marocaine, avait déposé dans la
foulée une proposition de loi en faveur de la légalisation à usage médicinal.
Les principales zones de production de cannabis dans le
Rif, au nord du Maroc. © Jeune Afrique
De leur côté, les responsables du PAM envisagent deux propositions de lois dans
les semaines à venir. La première concerne la légalisation thérapeutique,
médicinale et industrielle du cannabis. Il n'est donc pas question de
dépénaliser ni de légaliser la vente et la consommation généralisées.
Si la surface cultivée a baissé de 60% en 10 ans, à environ 50 000 hectares, le
Maroc reste l'un des principaux producteurs de haschich au monde. D'après les
chiffres du ministère de l'Intérieur, 90 000 ménages, soit environ 700 000
Marocains, vivraient encore de la production du cannabis dans le Rif. Malgré
différentes tentatives d'introduction d'autres cultures, comme des tomates ou
des pommes de terre, ces derniers n'ont pas d'autres choix que de continuer à
produire du kif sans pour autant profiter de son juteux trafic. "Il faut casser
les tabous et faire primer les intérêts de ces citoyens, clame Mehdi Bensaïd.
Notre projet de légalisation partielle profitera à tout le monde - État,
agriculteurs, entreprises… - sauf aux trafiquants."
48 000 cultivateurs recherchés
Concrètement, le PAM propose de mettre en place une agence étatique qui aurait
le monopole exclusif et achèterait le cannabis directement aux producteurs
locaux, au même prix que le font les trafiquants, c'est-à-dire 10 euros le kilo
de plant. Cette agence revendrait ensuite le kif à des entreprises et industries
pharmaceutiques. Idéalement, cette stratégie permettrait de diminuer le trafic,
d'accroître les revenus fiscaux de l'État, et de créer des emplois dans une
région historiquement défavorisée.
Les députés du PAM entendent déposer cette première proposition de loi au
Parlement après une deuxième journée de rencontre avec les agriculteurs, cette
fois à Ketama, qui devrait avoir lieu d'ici trois semaines. Le deuxième texte,
encore à l'étude, prévoit lui d'amnistier les 48 000 cultivateurs recherchés par
les autorités parce que liés, souvent involontairement, à la culture de
cannabis. "La majorité ne peut vivre en famille et se trouve dans une situation
de semi-clandestinité. Il faut absolument trouver des solutions", explique
Khadija Rouissi, autre élue PAM interrogée par l'AFP.
Encore polémique au Maroc, la possible légalisation partielle du cannabis reste
très hypothétique. Mehdi Bensaïd et ses camarades du PAM assurent avoir bon
espoir. "Aucun groupe parlementaire ne s'est opposé au projet", affirme-t-il. Il
faudra attendre l'étude par le Parlement de la première proposition de loi de
l'Istiqlal pour découvrir l'opinion des députés marocains sur cet épineux
dossier.
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Benjamin Roger