La démarche mêle à la fois une guerre inter-wahhabite avec l'Arabie Saoudite et une volonté d'étouffer les printemps arabes.
Des dollars, à la Mecque
Depuis quelque temps, l’attention et les aides des pays du Golfe pour la région
du Maghreb vont crescendo tandis qu’un changement de paradigme dans les
relations entre ces deux zones est à l’oeuvre. Jusque-là plutôt cordiales
—aucune région n'avait pris une importance stratégique pour l'autre— elles
virent désormais à l’assistance, voire l’interventionnisme. Plusieurs Etats du
conseil de coopération du Golfe ont en effet démontré un intérêt croissant pour
le Maghreb depuis le début des révoltes arabes, cherchant à acquérir une plus
grande influence en Afrique du Nord.
Pour cela, ils ont recours à plusieurs moyens, politiques et financiers. En
décembre 2013, le Qatar a octroyé au Maroc une aide de 1,25 milliard de dollars,
dans le cadre d'une assistance financière de cinq milliards de dollars accordée
par quatre pays du Golfe, dont le petit émirat gazier et l’Arabie saoudite.
L’objectif annoncé est la consolidation des infrastructures et le renforcement
de l'économie du royaume chérifien. Des discussions ont également eu lieu pour
allouer une plus grande part des fonds souverains du Golfe, dont l’enveloppe est
estimée à 1.300 milliards de dollars, à de grands projets structurants dans le
pays.
Un fonds souverain d’investissement, baptisé «Wessal Capital» (regroupant les
Emirats arabes unis, le Qatar, l'Arabie saoudite, le Koweit et le Maroc) avait
déjà été créé dans la foulée des révoltes d'une valeur de 3,4 milliards de
dollars pour soutenir le Maroc et la Jordanie. Il va investir plus de 700
millions de dollars dans l'infrastructure touristique du port de Casablanca.
En parallèle, depuis le renversement du président égyptien, Mohamed Morsi, une
pluie de pétrodollars s’est abattue sur le Caire. Dès 12 milliards de dollars
promis par les Emirats arabes unis, l’Arabie saoudite et le Koweït, quelque 8
milliards ont déjà été déboursés depuis l’été 2013. Ces fonds sont répartis
entre dépôts à la Banque centrale, aides en nature et soutien à des projets
d’infrastructure.
Le Qatar, lui, s’est abstenu d’y contribuer. Il avait auparavant apporté une
aide de cinq milliards de dollars au gouvernement chapoté par les Frères
musulmans. Des aides qataris avaient également afflué en direction de Tunis, du
temps du parti Ennahda, dont la dernière en date fut un dépôt en novembre 2013
d’un demi-milliard de dollars pour renforcer les réserves en devises du pays.
Si la volonté d’aider des économies chancelantes à se redresser, après trois ans
d’instabilité, pèse sans doute dans la balance, les critères d’attribution de
ces aides et leur timing dénotent, en revanche, des visées politiques, parfois
contradictoires.
Slateafrique