Les noms des groupes israéliens présents en Afrique sont moins connus que ceux de Dan Gertler ou Beny Steinmetz, des magnats miniers aux méthodes pas toujours orthodoxes.
Le continent n’en est pas moins une terre d’expansion pour Israël, qui y vend
son expertise dans l’ingénierie, l’agronomie, l’irrigation et la sécurité.
Pas une semaine ne passe sans l’annonce d’un nouveau contrat entre un pays
d’Afrique et Israël… Parmi les plus gros projets en cours figure la centrale
thermique au gaz naturel de Songon-Dagbé, qui sera construite dans la banlieue
d’Abidjan par le groupe israélien Telemania pour 500 millions d’euros.
Les principaux débouchés des industries de pointe d’Israël se trouvent plutôt
aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Chine. Un signe qui ne trompe pas :
l’Afrique est classée avec la Turquie, le Canada et le Brésil dans la section «
reste du monde » des statistiques de l’Institut israélien des exportations et de
la coopération internationale (IEICI). Une vaste zone qui représente tout de
même 24 % des ventes d’Israël à l’étranger…
Des échanges favorables à l’Afrique du Sud
En 2013, l’Afrique du Sud, le Togo, le Nigeria, l’Egypte et le Kenya ont été les
principaux partenaires commerciaux d’Israël en Afrique. Le Togo, d’habitude
moins important, ne se retrouve classé second qu’en raison d’une forte variation
annuelle, avec 191 millions d’importations en provenance d’Israël, contre 64
millions en 2012 selon les statistiques israéliennes.
Le pays de Mandela draine l’essentiel des échanges, dans une relation qui repose
en grande partie sur l’industrie diamantaire et s’avère favorable à l’Afrique du
Sud. Les produits et biens d’équipement importés d’Israël ont atteint 425
millions de dollars en 2013 (dont 147 millions de diamants). Les ventes de
minerais et métaux précieux de l’Afrique du Sud à Israël se sont élevées à 721
millions de dollars (dont 283 millions de diamants).
Un flux constant de gemmes va et vient entre les deux pays. Les diamantaires de
Tel-Aviv s’approvisionnent en Afrique du Sud auprès du groupe De Beers en gemmes
bruts, pour y réexporter ensuite des pierres taillées. « Pour le reste, les
sociétés israéliennes s’intéressent surtout aux marchés de l’agro-technologie,
des technologies de l’information, de l’énergie renouvelable et du traitement
des eaux », note Itaï Melchior, l’attaché économique de l’ambassade d’Israël à
Johannesburg.
Le Nigeria, de son côté, a importé pour 155 millions de biens israéliens en 2013
(contre 368 millions en 2012) alors que ses ventes à Israël ne dépassent pas 10
millions de dollars. Quant à l’Egypte, elle a acheté pour 120 millions de biens
à Israël en 2013 (contre 97 millions en 2012) et lui en a vendu pour 108
millions de dollars. Le Kenya, de son côté, s’est approvisionné à hauteur de 91
millions auprès d’Israël (contre 120 millions en 2012), mais n’y a écoulé des
produits qu’à hauteur de 27 millions de dollars.
Des amitiés particulières
Il ressort de ces chiffres des variations annuelles importantes, en
fonction des contrats passés chaque année. Des liens particuliers entre certains
pays et l’Etat hébreu marquent ces échanges. Comme le Togo, la Côte d’Ivoire, le
Cameroun et la République démocratique du Congo (RDC) ont renoué avec Israël dès
les années 1980, bien avant les autres pays membres de l’Union africaine (UA),
qui avaient tous rompu en 1973 après la guerre du Kippour.
Le soutien militaire apporté par des experts israéliens au régime de Laurent
Gbagbo, en Côte d’Ivoire, n’a pas empêché son successeur, Alassane Ouattara, de
conserver de bons rapports avec Jérusalem. Le président ivoirien compte parmi
ses amis Stanley Fisher, le gouverneur de la Banque centrale d’Israël, un ancien
collègue du Fonds monétaire international (FMI). Aujourd’hui, le port autonome
d’Abidjan comme l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny sont sécurisés
par des filiales de la société israélo-canadienne Visual Defence.
En RDC, l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, un proche du président Joseph
Kabila, mène des affaires prospères. Ses intérêts vont du diamant au cuivre en
passant par le pétrole, l’agro-industrie et les infrastructures. L’un de ses
anciens associés, Beny Steinmetz, a en revanche été accusé de corruption en
Guinée, où il s’est vu retirer ses droits sur le colossal gisement de fer de
Simandou.
Pays anglophones et efforts de lobbying
Si l’Afrique reste perçue comme un terrain risqué où des aventuriers
peuvent faire fortune, elle n’est pas dénuée d’intérêt pour Israël. En septembre
2009, Avigdor Liberman, le ministre des Affaires étrangères, était passé par
l’Ethiopie, le Kenya, l’Ouganda, le Ghana et le Nigeria, privilégiant des pays
anglophones ou engagés dans la lutte contre les islamistes en Somalie.
Des efforts de lobbying sont par ailleurs entrepris. En juin 2012, une
délégation de cinq gouverneurs de banques centrales africaines (Ghana, Kenya,
Ouganda, Sud-Soudan, Swaziland et Zambie) s’est ainsi rendue en Israël. Un
voyage sponsorisé par America’s Voices in Israel (Avi). Cette association
organise des déplacements d’Américains influents pour changer leurs perceptions
sur Israël. Elle a entrepris de faire le même travail auprès des leaders
d’opinions africains.
par Sabine Cessou
RFI