Afrique


Ces femmes qui roulent pour Boko Haram


Selon l'armée nigériane, des femmes auraient activement participé à l'enlèvement des jeunes filles de Chibok.

 

 


L'entrée de la ville de Maiduguri, (nord-est Nigeria), le fief de Boko Haram

 


On est toujours sans nouvelle des 219 adolescentes enlevées le 14 avril dernier à Chibok, dans le nord-est du Nigeria, par la secte islamiste Boko Haram. Cet enlèvement de masse avait provoqué la stupeur internationale et une vague de protestation d’hommes et de femmes à travers le monde et au Nigeria, en particulier.

Mais on était loin d’imaginer que derrière le rapt des adolescentes de Chibok se cachaient aussi des femmes. En effet, plusieurs médias nigérians rapportent l’arrestation, lundi 30 juin, d’un réseau de femmes agissant pour le compte des terroristes de Boko Haram.

Un communiqué de l’état-major de l’armée nigériane, que cite Vanguard, confirme que ces femmes ont activement participé à l’enlèvement des jeunes filles nigérianes et d’avoir commandité le meurtre de l’émir de Gwoza, dans l’Etat du Borno (nord-est du Nigeria).

Qui sont ces femmes, d’où viennent-elles et quel est exactement leur rôle auprès de la secte islamiste qui sème la terreur dans le pays?

Le Premium Times croit savoir que ces femmes seraient recrutées par un jeune homme d’affaires spécialisé dans la vente de tricycles, un certain Babuji Ya’ari, par ailleurs responsable d’une association de jeunes ayant collaboré avec les militaires. Or, par cette activité, le dénommé Babuji Ya’ari masquait en réalité son soutien à Boko Haram. L’homme d’affaires aurait donc recruté des femmes pour s’occuper du financement des autres espions de Boko Haram et pour servir d’armurière.

Il semble que les deux femmes arrêtées hier en même temps que l’homme d’affaires Baburi Ya’ari sont les deux têtes de proue de cette sorte de brigade d’espionnes de Boko Haram. Le Nigerian Pilot explique ainsi que l’une, Hafsat Bako est native de l’Etat de Gombe (toujours au nord-est du Nigeria). Avant son arrestation, c’est elle qui coordonnait le financement des espions de Boko Haram. La «trésorière» de la cellule a indiqué aux militaires, rapporte encore Nigerian Pilot, que chaque espion était payé en moyenne 10.000 nairas (60 dollars) selon la tâche à accomplir...

Quant à l’autre jeune femme, elle servait d’armurière pour les membres de Boko Haram en même temps qu’elle leur fournissait des informations sur les lieux où des attentats sont censés être perpétrés.

Seulement, il est peu sûr que le démantèlement de ce réseau d’espionnes de Boko Haram va aider à retrouver les jeunes filles enlevées à Chibok le 14 avril. Pour This Live Today, ce coup de filet n’est qu’un coup d’épée dans l’eau. Selon le site d’information nigérian cela masque à peine la faiblesse logistique et stratégique de l’armée nigériane et le flou du gouvernement fédéral.

D’ailleurs, peu de temps avant l’arrestation des espionnes de Boko Haram, une attaque d’églises attribuée à la secte islamiste a fait une cinquantaine de morts dans la désormais tristement réputée ville de Chibok.

Et maintenant?
Pour le Vanguard, il y a peu d’espoir d’obtenir de ces femmes quelque information que ce soit au sujet des jeunes filles toujours entre les mains des terroristes. Pour une raison simple: elles ont rejoint l’organisation terroriste en 2011, et depuis elles ont participé en toute impunité à d’importantes attaques meurtrières et le gouvernement fédéral pouvait difficilement l’ignorer.

Ces accusations portées contre de l’armée nigériane quant à son manque de volonté (ou son incapacité?) à venir à bout de Boko Haram sont appuyées par Amnesty International. L’organisation de défense des droits de l’Homme a révélé il y a un mois que les autorités nigérianes «se sont abstenues d’agir après avoir reçu d'agir après avoir reçu des mises en garde concernant le raid armé mené par Boko Haram contre l'internat public de Chibok».

L’armée nigériane jouerait-elle donc un double jeu ou serait-elle dans une mauvaise opération de communication? Le Journal of Terrorism Research du Centre d’étude sur le terrorisme et la violence politique émet pour sa part de fortes réserves quant à l’idée même que des femmes puissent être des membres actives de la secte islamiste.

«Autant il est établi que Boko Haram paie de jeunes hommes pour diverses actions de violence et d’espionnage, autant il n’ y a aucune certitude que la secte emploie des femmes à ces missions. Précisément parce que l’organisation terroriste se fonde sur la charia qui ne reconnaît aucun pouvoir véritable aux femmes. Or, le renseignement est considéré par Boko Haram comme une mission éminemment “masculine”», peut-on lire sur Journal of Terrorism Research.

Plus de 2.000 personnes ont été tuées au Nigeria depuis le début de l’année dans des exactions de Boko Haram.

Raoul Mbog

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