Avec son goût affirmé, le poivre de Penja éveille les papilles des gourmets du monde entier. Des tables des plus grands chefs aux rayons des épiceries de luxe, ce grain fait des ravages.
Le condiment est considéré comme un produit
raffiné.
Puissant sans être agressif, frais, légèrement piquant, le poivre de Penja a de
la personnalité. Parfait pour sublimer un poisson, un gibier ou une pièce de
boeuf. Un coup d'oeil à la longue liste des chefs qui l'ont adopté suffit à s'en
convaincre. Christophe Aribert, Georges Blanc, Gilles Goujon, Christophe
Moret... pour ne citer que quelques cuisiniers multiétoilés.
Une liane géante qui pousse pendant cinq ans
Son caractère, il le doit à son terroir. C'est sur un sol volcanique, riche et
équilibré, arrosé par un climat tropical, que la liane géante va pousser pendant
cinq ans en s'enroulant autour d'un arbre avant de produire ses premières
grappes. Récoltés à maturité d'octobre à janvier pour obtenir le poivre blanc,
les grains seront ensuite lavés - pour en ôter la peau -, séchés à l'air, avant
d'être triés à la main. Le résultat est si particulier que les producteurs de la
vallée de Penja, au Cameroun, ont décroché en 2013 l'une des premières
Indications géographiques protégées (IGP) du continent - une appellation
d'origine et de qualité attribuée par l'Union européenne.
Une toute petite production
Si le condiment est aujourd'hui exporté aux quatre coins du monde, du Japon à
l'Afrique du Sud, en passant par l'Allemagne ou les Émirats arabes unis, son
succès reste cependant confidentiel. Et pour cause, la production exportée ne
dépasse pas 15 tonnes par an, quand le marché mondial atteint 338 000 tonnes en
provenance du Vietnam, d'Inde ou du Brésil. "L'IGP n'a pas encore fait exploser
la demande, mais 2015 pourrait être l'année du poivre de Penja", anticipe Erwann
de Kerros, fondateur de Terre exotique, principal distributeur de l'épice à
l'international.
Adopté par l'Occident depuis l'Antiquité, le poivre a longtemps été injustement
négligé. Dans le sillage de l'intérêt récent porté au sel, qu'il soit rose, noir
ou gris, de l'Himalaya ou d'Hawaii, l'épice retrouve peu à peu ses lettres de
noblesse. Terre exotique fournit un millier d'épiceries fines, dont la Grande
Épicerie du très chic Bon Marché parisien, Harrods à Londres, Dean & DeLucas à
New York ou Lafayette Gourmet à Berlin. Comptez environ 9 euros pour un pot de
70 g.
D'autres terroirs essaient aussi de valoriser leur production comme Bélem au
Brésil ou Kampot au Cambodge. "Quand on fait un test à l'aveugle avec des
sommeliers ou des chefs cuisiniers, c'est le poivre de Penja qui remporte tous
les suffrages", jure Erwann de Kerros. Dans la vallée de Penja, les producteurs
profitent eux aussi de cette reconnaissance. Après l'obtention de l'IGP, le prix
du poivre payé aux récoltants est passé de 4 500 à 8 000 F CFA (de 7 à 12 euros)
le kilo.