L'image apparaît en une de l'édition du 29 janvier de l'hebdomadaire marocain Al Watan Al Ane. François Hollande grimé en Adolf Hitler, vêtu d'une tenue nazie avec une croix gammée en brassard (voir ici). Le titre annonce la couleur : "Les Français vont-ils faire renaître les camps de concentration d'Hitler pour exterminer les musulmans ?"
Il s'agit, selon Abderrahim Ariri, directeur de la publication du journal, de
tirer "une sonnette d'alarme pour la classe politique" française. Selon lui, les
autorités françaises banalisent les actes islamophobes et n'assurent pas la
sécurité des citoyens musulmans en France, dit-il en faisant référence référence
aux nombreux actes antimusulmans recensés un peu partout dans l'Hexagone après
les tueries de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher.
Rappelons qu’après les attentats contre la rédaction de l’hebdomadaire Charlie
Hebdo et contre une supérette casher à Paris les 7 et 8 janvier dernier,
128 actes islamophobes ont été recensés en France en moins de deux semaines, soit
presque autant en deux semaines que sur toute l’année 2014, par l’Observatoire
national contre l’islamophobie.
Lire aussi : Attaques
racistes contre les MRE : vers un outil de défense consulaire ?
"François Hollande s'est comporté en opportuniste"
"Nous avons reçu de nombreux appels de nos amis musulmans de France se
plaignant d'un parti pris contre eux de la part de François Hollande, explique
Abderrahim Ariri à Jeune Afrique. Ils disent que ce dernier a profité du
massacre de Charlie Hebdo pour se refaire une virginité politique sur leur dos.
En somme, François Hollande s'est comporté en opportuniste et non en homme
d'État sage et juste envers cette grande communauté musulmane qui fait partie de
la société française mais dont les membres se sentent comme des citoyens de
seconde zone. Son comportement rappelle le climat de haine envers les juifs qui
a régné en Allemagne sous Hitler. D'où le choix de ma couverture. Mon objectif
est d'attirer l'attention sur cette grave dérive française qui risque de
reproduire l'histoire nazie et ses douloureux souvenirs."
Contexte de tensions diplomatiques entre le Maroc et la
France
Cette polémique intervient à une période délicate des relations diplomatiques
entre les deux pays. Les attaques contre la France se multiplient dans la presse
marocaine.Quand on lui fait remarquer cette étrange coincidence, Ariri répond
simplement : "J'ai toujours été contre la politique hautaine de la France envers
le Maroc. De la même manière, je reproche à nos élites marocaines leur
aliénation française. Nous n'avons pas besoin d'un tuteur. "
Al Watan Al Ane, qui tire à 16 000 exemplaires, n'est pas un média d'État et ne
porte donc pas la parole officielle du gouvernement marocain. Quels ont été les
réactions de ses lecteurs à la couverture ? "Je peux vous dire, à travers les
échos que nous avons reçus, que 80% d'entre eux étaient d'accord et nous ont dit
que notre position reflète parfaitement leur point de vue", enchaîne Ariri.
L'article 52 du Code de la presse au Maroc puni toutefois "l'offense commise
publiquement envers la personne des chefs d’État et leur dignité, les chefs de
gouvernement, les ministres des Affaires étrangères des pays étrangers d’un
emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 10 000 à 100 000 dirhams ou
de l’une de ces deux peines seulement". "La vie d'un journaliste est faite de
dangers, réplique Ariri. Je suis prêt à assumer cette responsabilité. Je ne vois
pas pourquoi, au nom de la liberté d'expression, on accepte des caricatures
offensant le prophète Mahomet et on refuse l'offense à un chef d'État, qui est
un être humain comme moi. Chacun à sa perception de la sacralité. Pour moi et
pour les musulmans, c'est le Prophète qui est sacré".
Paris n'a pour l'heure pas réagi à la publication mais observe certainement avec
attention la suite qui sera donnée à cette affaire par les autorités judiciaires
du royaume chérifien.