Afrique


Et si les Français aimaient les Africains


Et un… et deux… et trois: le podium des Français préférés des Français est africain. Arbre qui cache la désertification?



 Pas besoin de discrimination positive, manifestement, pour promouvoir, dans le cœur des Français, la diversité. Et singulièrement l’africanité. Le 1er janvier dernier, le Journal du Dimanche dévoilait son palmarès des personnalités préférées de l’Hexagone. Sur le podium, par ordre de préférence: Yannick Noah, Zinédine Zidane et Omar Sy. Le premier est Camerounais par son père et a vécu à Yaoundé. Le second a des parents originaires de petite Kabylie dans la wilaya (préfecture) de Béjaïa en Algérie. Le troisième est née d’une femme de ménage d'origine mauritanienne et d’un Sénégalais ouvrier dans une usine de pièces automobiles.

 

Miraculeux ambassadeur de la ville de Bergues

La cinquième position du classement est tenue par l’humoriste franco-marocain Gad Elmaleh. À la septième place, se trouve son double compatriote, l’acteur et producteur Jamel Debbouze. Juste derrière lui, en huitième position: un fils de Kabyle, Dany Boon –de son vrai Daniel Hamidou–, pourtant incarnation du mangeur de maroilles –fromage on ne peut plus franchouillard– et miraculeux ambassadeur de la ville de Bergues, ville du Nord-Pas-de-Calais. C’est peut-être aujourd’hui que ce concept de classement imaginé dans les années 80, porte les fruits de ces années-là. Ceux des grands mouvements anti-racistes incarnés par l’association SOS-racisme et sa célèbre campagne «Touche pas à mon pote». En 2012, Jamel, Zinédine et Omar sont «statistiquement» les potes du Français moyen et, censément, d’un grand nombre des Français «de souche». Durant les années Mitterrand, le militantisme permettaient à des couleurs de peaux bigarrées d’effleurer, dans les manifs et les concerts, les épidermes encore bien monocolores d’un show-business généreux. Aujourd’hui, la graine semble avoir germé autant dans l’esprit des couches populaires que dans le volontarisme de quelques anti-racistes acharnés. S’agit-il d’un camouflet pour le gouvernement actuel qui invita, il y a peu, à une réflexion incongrue sur l’identité nationale, avant d’organiser un durcissement des conditions d’accès au territoire français? Le ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant, pouvait déjà souligner les origines hongroises de son parrain politique pour dédouaner son courant idéologique de tout relent xénophobe. Il pourrait, maintenant, brandir le classement du JDD pour tenter de clore le débat sur une éventuelle résurgence du racisme dans la population française. Il aura beau jeu de réaffirmer que ses traques policières et douanières sont moins orientées vers les «basanés» que vers les saprophytes, tous teints confondus, qui tentent de vivre discrètement et passivement dans l’organisme national. Et pourtant. Pas sûr que les élus du JDD aient envie, via l’onction populaire, de servir d’alibi au régime en place. Celui qui tient la première place du classement depuis plusieurs années -moitié tennisman, moitié chanteur, entièrement camerounais, entièrement français-, affirmait, en son temps, sa volonté de quitter la France si Nicolas Sarkozy accédait à la magistrature suprême. De même, les médias et l’opinion se sont perdus en conjectures lorsque le numéro trois du palmarès a fait faux-bond au président de la République. Peu importe la véritable raison de l’absence d’Omar Sy à la célébration présidentielle du succès d’“Intouchables”, le film d’Eric Toledano et Olivier Nakache. Ce sont les commentaires qu’elle suscita qui révèle le malaise plus que supposé entre le locataire actuel de l’Elysée et les Français issus de l’immigration africaine.

 

Triomphe des minorités raciales

En accusant Sy et Sarkozy d’intolérance réciproque, les rumeurs ont-elles mouché des nez qui n’étaient pas morveux? Peut-être. Peut-être aussi, dans le même esprit, l’accroche de l’article que vous avez sous les yeux, est-elle moins propice à fanfaronner autour du triomphe des minorités raciales qu’à tirer à nouveau les esprits vers une classification discriminatoire superflue. Pourquoi ramener ces trois personnalités françaises à leur africanité? Et, d’ailleurs, sont-ils si africains? «Saga africa», la chanson de Noah, n’est-elle pas une mauvaise caricature de chanson africaine? Parmi les œuvres francophones importées sur le continent noir, celle de l’ancien sportif, d’ailleurs, fait moins recette que celles de Nana Mouskouri ou de Francis Cabrel. Le personnage de Doudou (Africain qui martyrise la chanson française) incarné par Omar Sy dans le «Service après-vente» de Canal +, fait-il rire les privilégiés abonnés, en Afrique, à la chaîne cryptée? Pas sûr. Quoi que…

 

Ce podium est d’abord celui des performances

Il n’en reste pas moins Qu’Omar Sy, même né à Trappes, dans les Yvelines, aurait été élevé avec une bonne dose de traditions peules. Et qu’il est «africain» dans l’œil des Français sondés par le JDD. Qu’Omar Sy soit ou non l’un des Français préférés des Africains d’Afrique est une autre question. Le mot «préféré» qui sous-tend le sondage du Journal du dimanche renvoie avant tout à la dimension émotive de la perception que l’on a de telle ou telle personnalité. Il ne faudrait pas charger les choix des Français interrogés d’un sens politique excessif ou d’une réflexion identitaire trop lourde. Ni d’un intellectualisme grandement absent. Il ne s’agit guère d’un jugement, mais plutôt d’une réaction affective. Avant d’être celui d’une origine, ce podium est d’abord celui des performances: un trophée de Roland-Garros, un concert au Stade de France, une Coupe du monde de football ou un record de fréquentation dans les salles de cinéma. Il est également celui de la jovialité ou de la modestie, voire de la “beaugossitude”. Que Simone Veil (en quatrième position) admette que ce podium est aussi celui des abdominaux, Omar Sy ayant reconnu avoir fait de la musculature avant le tournage de son film. L’exception intrinsèque à ce palmarès d’exemplarité n’autorise pas la célébration d’une amélioration démontrée de la situation économique et relationnelle des Français d’origine africaine. La préférence des personnes interrogées est une banale réaction au fascinant succès de personnalités “people”. Il n’y a qu’en linguistique que l’exception confirme la règle. Et la visible africanité du résultat du sondage du JDD rappelle, aussi, que les success stories françaises d’originaires africaines restent essentiellement cantonnées aux disciplines sportives et artistiques. L’arbre “entertainment” cache-t-il la forêt de la misère sociale de bons nombres des peaux basanées qui ne se sentent toujours pas des “Blancs comme les autres”? Le teint dominant de quelque palmarès de députés ou de patrons de grandes entreprises serait-il le même que celui de la couverture du JDD? La chanteuse Juliette lisait dans ce récent sondage que le racisme est aujourd’hui moins “épidermique” que social. Et que, malheureusement, cela revenait quasiment au même, les minorités visibles restant, en moyenne, plus pauvres que l’ensemble de la population. Un Top 50 n’a pas vocation à dépeindre des moyennes… Lecture artificielle pour lecture artificielle, on risquerait de voir dans ce sondage la confirmation d’un racisme anti-blanc que certains dénoncent. François Cluzet partage brillamment l’affiche d’“Intouchables” avec Omar Sy. Il n’est que 44e dans le JDD…

Source: Slat.fr

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