Il y a quelque temps, Jacob Cohen, un écrivain juif, français-marocain, connu pour ses écrits anti-sionistes a posté un article sur son blog qui a causé beaucoup d’émotion au Maroc.
Il a révélé qu’Andre Azoulay, un
conseiller royal de l’ancien roi Hassan II puis de son fils Mohamed VI, était
aussi un espion israélien. L’article expliquait qu’Azoulay qui avait 71 ans et
venait de la ville septentrionale de Essaouira, faisait partie de l’organisation
des sayanim du Mossad, un réseau mondial d’opérationnels juifs non israéliens.
Les autorités marocaines n’ont pas fait de commentaire officiel sur ce sujet
délicat et Azoulay n’a pas démenti l’accusation. Mais les autorités ont répondu
indirectement en annulant une conférence que Cohen devait tenir sur le sujet de
la coexistence des Juifs et des Musulmans au Maroc. Cela a été ressenti comme
une volonté d’empêcher toute discussion autour des accusations de Cohen contre
Azoulay et d’une façon plus générale, autour de son dernier livre : le printemps
des Sayanim.
Pour Cohen les sayanim sont des Juifs de la Diaspora qui, pour des raisons
"patriotiques" collaborent avec le Mossad et d’autres agences sionistes en leur
fournissant l’aide dont ils ont besoins dans leur domaine de compétence. Le
réseau a été créé dans les années 1950 et a été utilisé dans beaucoup
d’opérations de services secrets ou à des fins de propagande, ainsi que pour
inciter les Juifs à quitter leurs communautés de la Diaspora pour venir
s’installer comme colons en Palestine.
L’infiltration par Israël de la cour
royale marocaine n’avait pas comme seul propos de faire partir les Juifs du
Maroc. Le Mossad voulait aussi influencer la politique d’Hassan II et empêcher
tout rapprochement entre lui et l’Egypte de Gamal Abdul-Nasser. Récemment le
président israélien Shimon Peres a organisé une réception en l’honneur de
l’agent israélien qui avait organisé les premières immigrations de Juifs
marocains en Israël. David Littman est arrivé au Maroc en prétendant être un
clergyman anglais et il s’est installé à Casablanca. Il a mis au point une
méthode pour transférer les Juifs marocains en Israël connue sous le nom
d’Opération Mural, qui ciblait des enfants juifs marocains. Littman prétendait
organiser des séjours de vacances d’été en Suisse pour les enfants pauvres, mais
en fait il les envoyait en Israël.
Avant et après l’Opération Mural, l’aide que la monarchie marocaine a apporté au
départ des Juifs marocains lui a rapporté beaucoup d’argent, surtout après que
Hassan II ait pris le pouvoir en 1961. Il a personnellement supervisé les
transactions.
L’auteure Française, Agnes Bensimon, décrit dans son livre "Hassan II et les Juifs" la manière dont le Mossad a initié les négociations avec Hassan II après la mort de Mohamed V. Le nouveau roi a exigé un demi-million de dollars pour faciliter le départ d’un premier contingent de 50 000 Juifs, et la même chose pour le contingent suivant. Cela a aussi été révélé par Simon Levy, un des Juifs marocains qui a résisté à la pression d’émigrer en Israël et qui est mort il y a deux ans après avoir été un dissident pendant le règne de Hassan II.
Les règlements pour le transfert des
Juifs marocain ont été virés par Israël sur des comptes secrets en Suisse, au
nom même du roi semblerait-il. Mais Ahmed Reda Kadira, l’ami du monarque qui a
négocié les transactions pour le compte du roi et qui a plus tard été nommé
conseiller, n’a pas été oublié. Les opérations lui ont permis de financer son
quotidien, Les Phares, qui était de fait le porte-parole du palais et dont la
spécialité était de dénoncer les critiques du roi.
La "Guerre des Sables" qui a éclaté entre le Maroc et l’Algérie en 1963 a fourni
à Israël l’occasion qu’ils attendaient lorsque Abdul-Nasser s’est rallié à
l’Algérie nouvellement libérée contre l’attaque marocaine de son territoire.
Les transactions de cette époque entre Rabat et Tel Aviv ont été conclues via
Téhéran sous les auspices du Shah d’Iran. Mais la coopération militaire entre
les deux pays a continué. On pense qu’Israël a joué un grand rôle dans la
construction du grand mur de sécurité de 2 600 km à l’ouest du Sahara destiné à
empêcher les attaques du Front Polisario qui se battait pour l’indépendance de
son territoire depuis 1975.
Le conflit n’est toujours pas résolu en dépit du cessez-le-feu de 1999. Pendant
les six années de guerre qui l’ont précédé, les combattants Polisario ont
souvent pris des armes à l’armée marocaine fabriquées en Israël ou en Afrique du
Sud du temps de l’apartheid.
La coopération militaire a souvent
entraîné une coopération des services secrets, surtout après que le chef du
Mossad Yitzhak Hofi ait organisé une rencontre secrète au Maroc en 1976 entre
Hassan II et Yitzak Rabin, le premier ministre israélien. La collaboration du
roi avec Israël qui s’en est suivie, a été largement documentée par des
écrivains et des dissidents. Selon l’écrivain égyptien Muhammad Hassan ein
Haikal dans son livre Kalam fis-Siyasa (à propos de politique), Hassan II a même
autorisé le Mossad à installer des micros dans les lieux du Maroc où se
réunissaient les sommets arabes. Le rôle le plus fameux qu’Hassan ait joué
cependant, c’est quand il a aidé à l’accord de paix entre l’Egypte et Israël.
Israël lui en a été infiniment reconnaissant : il a émis un timbre de
commémoration en son honneur à sa mort en 1999.
En échange des services du roi du Maroc,
Israël et le Mossad l’ont aidé contre ses opposants principalement. On a bien
reconnu la main du Mossad dans l’enlèvement et l’assassinat du dissident
marocain le plus célèbre, Mahdi Ben-Barka, qui a disparu à Paris en 1965. On
pense aussi que les Israéliens ont alerté le roi de plusieurs coups d’état et
autres complots fomentés contre lui dans les années 1960 et 1970.
Il ne semble pas que le Mossad soit encore très actif au Maroc aujourd’hui. Le
pays ne joue plus un rôle important dans le conflit arabo-israélien. De plus,
avec l’apparition de collaborateurs "rivaux" dans la partie orientale du monde
arabe, les services secrets israéliens ont désormais l’embarras du choix pour ce
qui est des partenaires et des stratégies.
1° septembre 2012 - Al-Akhbar - Pour consulter l’original :
http://english.al-akhbar.com/conten...
Traduction de l’italien : Info-Palestine.net - Dominique Muselet