Maroc : Un opposant nommé Mohammed VI
le 16/09/2013 17:08:10
Maroc

Image redimensionnéeÉducation, culture, médias... Plus que jamais, le roi multiplie les initiatives, mais aussi les critiques à l'encontre de son gouvernement. Dans sa ligne de mire : le conservatisme et la "salafisation" des esprits.


Ouvertement critiqué pour la grâce qu’il a accordée – avant de l’annuler – fin juillet, à Daniel Galván Viña, un pédophile espagnol condamné à trente ans de réclusion, le roi a prononcé, le 20 août, une adresse à la nation très politique, suivie d’une réception remarquée de dizaine d’artistes de tous genres, à qui ont été remis des wissams alaouites. Les écoliers, eux, ont fait leur rentrée le 11 septembre. Une nouvelle année sur les bancs pour environ 6,5 millions d’élèves de l’enseignement primaire et secondaire. L’actuel ministre de l’Éducation nationale, Mohamed Louafa, accomplit donc sa seconde rentrée. Et certainement sa dernière. En rupture de ban avec son parti, l’Istiqlal, après avoir refusé d’obtempérer à la décision de retrait du gouvernement, il est, depuis le 9 juillet, un ministre sans couverture politique. Pour lui, les nuages s’amoncellent depuis le diagnostic sévère du roi. Après la rentrée des classes suit, du 13 au 22 septembre, la rentrée culturelle avec le festival L’Boulevard à Casablanca, un événement underground plombé ces dernières années par des problèmes de financement. Le 21 août, son directeur, Mohamed “Momo” Merhari, recevait un wissam alaouite des mains de Mohammed VI. Il y a quatre ans, l’association EAC, qui produit L’Boulevard, obtenait un chèque de 2 millions de dirhams (180 000 euros). Le roi s’est d’ailleurs enquis des investissements réalisés par l’association, qui a créé à Casablanca un studio d’enregistrement ouvert aux jeunes talents.

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À la veille de son cinquantième anniversaire, le souverain a remis la réforme de l’enseignement au centre de l’agenda politique, adressant des critiques directes à la gestion de ce dossier par le gouvernement Benkirane. Dans son discours, Mohammed VI relève que « les gouvernements successifs se sont attachés à mettre en œuvre les recommandations de la charte nationale de l’éducation et de la formation [adoptée en 1999], surtout le gouvernement précédent [dirigé par Abbas El Fassi, octobre 2007-janvier 2012], qui a déployé les moyens et les potentialités nécessaires pour mener à bonne fin le Plan d’urgence élaboré en 2008, dont il n’a, d’ailleurs, entamé la réalisation qu’au cours des trois dernières années de son mandat ». Après avoir délivré ce satisfecit pour le pilotage de la réforme de l’enseignement, mené notamment par son ancien conseiller feu Meziane Belfkih, Mohammed VI relève une rupture fâcheuse, imputable directement au gouvernement Benkirane : "Pis encore, sans avoir impliqué ou consulté les acteurs concernés, on a remis en cause des composantes essentielles de ce plan, portant notamment sur la rénovation des cursus pédagogiques, le programme du préscolaire et les lycées d’excellence. […] Le gouvernement actuel aurait dû capitaliser les acquis positifs cumulés dans les secteurs de l’éducation et de la formation, d’autant qu’il s’agit d’un chantier déterminant s’étendant sur plusieurs décennies."

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Au moment où le gouvernement dirigé par les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) défend la légitimité par le mandat du peuple, une antienne affûtée par la polémique sur la destitution du président égyptien Mohamed Morsi, qualifiée de « coup d’État contre la légitimité » jusque dans les salons rbatis, le roi laisse entendre qu’il y a des domaines dans lesquels les priorités et les orientations ne doivent pas osciller au gré des résultats des urnes. Arbitre du jeu institutionnel, Mohammed VI interprète la Constitution de 2011 comme lui donnant une forme particulière de prééminence sur les autres acteurs politiques, y compris le gouvernement et le Parlement. Même s’il n’y a pas de doctrine à ce sujet, le raisonnement qui sous-tend le discours est totalement en phase avec la pratique du pouvoir depuis quatorze ans. Au Palais, et à son armée de l’ombre de conseillers, la stratégie et les grandes orientations de réforme, aux ministres l’exécution de plans concoctés pour la plupart par des cabinets conseil en stratégie.

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