Le président tchadien Idriss Déby Itno et son nouveau Premier ministre, Kalzeubé Pahimi Deubet, ont formé un nouveau gouvernement, selon un décret publié dimanche soir sur la radio officielle
La nouvelle équipe, qui n'a pas fondamentalement changé par rapport à la précédente, devra faire face aux mêmes défis.
Le nouveau gouvernement compte quarante membres, soit un de moins que le précédent (le secrétariat d'Etat à l'Action sociale, à la Famille et à Solidarité nationale est purement et simplement supprimé). Elle n'enregistre que six sorties contre cinq entrées.
Parmi les entrées les plus remarquables, il y a est celle du Pr Mackaye Hassan Taïsso au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Le paléontologue, directeur du Centre National d'Appui à la Recherche (CNAR), retrouve un département qu'il connaît bien pour l'avoir déjà dirigé.
Il y a également Ahmat Mahamat Açyl, frère aîné de la Première dame, Hinda Déby Itno, qui tente une première expérience gouvernementale au ministre des Enseignements secondaires et des Formations professionnelles. L'ancien directeur général adjoint de la Société de raffinage de N'Djaména (codétenue par le gouvernement tchadien et la multinationale pétrolière chinoise CNPCI) retrouve une de ses cousines, Mme Haoua Açyl, qui tient les rênes du ministère de l'Aviation civile et de la Météorologie nationale.
Au nombre des départs, il faut signaler celui d'Ahmed Djidda Mahamat qui quitte le ministère de la Santé publique alors que le pays vit une recrudescence du paludisme depuis trois mois. Il est remplacé par Dr Ngariera Rimadjita (qui cède, à son tour, le ministère de l'Agriculture et de l'Irrigation à un novice, Moussa Mahamat Agré).
L'ancien directeur de l'Hôpital général de référence nationale de N'Djaména, la plus grande structure sanitaire du pays, retrouve enfin un domaine qu'il maîtrise parfaitement.
A l'instar de Dr Ngariera Rimadjita, trois autres personnalités changent de postes. L'ancien président de la Cour suprême, Abdérahim Birémé Hamid, dirigera désormais le ministère du Commerce et de l'Industrie. Il cède celui de l'Intérieur et de la Sécurité publique au général Mahamat Oki Dagache dont le passage à l'Aménagement du territoire, à la Décentralisation et aux Libertés locales, n'aura duré qu'un mois.
Les ténors du parti au pouvoir maintiennent leurs places: à commencer par le secrétaire général, Beyom Mallo Adrien (ministre Conseiller à la Présidence de la République), Moussa Faki Mahamat (Affaires étrangères et Intégration africaine), Adoum Younousmi ( Infrastructures et Transports), Jean-Bernard Padaré (Justice), Hassan Sylla Bakari (Communication, porte-parole du Gouvernement) ou Gata Ngoulou (Urbanisme, Habitat, Affaires foncières et Domaines).
L'ancien vice-président de la Banque Africaine de Développement et ex-secrétaire général de la présidence, Bédoumra Kordjé, appelé d'urgence le mois dernier à la tête d'un ministère des Finances, est également en place. Il en est de même de Daoussa Déby Itno, frère aîné du président de la République, homme d'affaires et ancien ambassadeur en Libye, qui poursuit son expérience gouvernementale au ministère des Postes et des Nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Côté genre, la nouvelle équipe gouvernementale garde les neuf femmes aux mêmes postes: notamment Mmes Baïwong Djibergui Rosine ( Action sociale, Solidarité nationale et Famille), Mariam Mahamat Nour (Economie, du Plan et de la Coopération internationale), Banata Tchalé Sow (Microcrédits pour la promotion de la femme et de la jeunesse), ou Albatoul Zakaria (Enseignement fondamental et Alphabétisation).
La formation du nouveau gouvernement intervient trois jours après la démission du précédent, dirigé par Joseph Djimrangar Dadnadji, qui a été forcé à rendre le tablier sous la pression de sa propre majorité parlementaire.
Le nouveau premier ministre, Kalzeubé Pahimi Deubet (quinzième nommé par le président Déby Itno, au pouvoir depuis 1990), qui a fait du neuf avec du vieux, devra réussir là où son prédécesseur a échoué. Il devra, dans l'immédiat, apaiser les relations avec une Assemblée nationale ultramajoritairement dominée par le parti au pouvoir, mais qui digère toujours mal les arrestations et les incarcérations irrégulières de quatre députés, à la suite de la tentative de déstabilisation des institutions de la République, en mai 2013.
Sur le plan social, le nouveau gouvernement devra reconquérir sa confiance auprès des populations tchadiennes, confrontées à la recrudescence du paludisme, à l'insécurité permanente et à la volatilité des prix des denrées alimentaires et autres sur le marché. Il devra également redonner son lustre à une école tchadienne en déliquescence, au regard des résultats catastrophiques du baccalauréat de ces dernières années. En essayant une réforme, presque au forceps, de l'école, l'ancien Premier ministre, Joseph Djimrangar Dadnadji, a été fortement critiqué; le sujet constitue l'une des raisons pour lesquelles 75 députés de son parti avaient initiée une motion de censure qui l'a poussé vers la sortie.
Sur le plan financier, le nouveau Premier ministre, Kalzeubé Pahimi Deubet, économiste de formation, devra trouver les moyens nécessaires pour continuer ou achever les nombreux projets de développement et les infrastructures socioéconomiques lancées sur tout le pays. Un emprunt obligataire de 170 millions USD a été lancé, le mois dernier, par le gouvernement tchadien sur le marché financier régional.
Mais le Tchad, qui vient par exemple de démarrer la construction d'une Cité internationale des affaires dans la perspective du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine, en 2015 à N'Djaména, a besoin davantage d'argent. Ce qui explique que le président Déby Itno ait confié le ministère des Finances et du Budget à son ancien secrétaire général, Bédoumra Kordjé, qui connaît bien les milieux financiers internationaux.
Sur le plan politique, la nouvelle équipe aura la lourde tâche de mener à bien le processus électoral en cours et qui doit conduire à la tenue des élections locales (en 2014), législatives (2015) et présidentielles (2016). Le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Jean-Pierre Madjirangué, nommé par le président Déby il y a trois semaines, est au coeur d'une grande controverse, déclenchée par l'ancien chef du gouvernement, Joseph Djimrangar Dadnadji, qui remettait en cause sa moralité.
M. Kalzeubé Pahimi Deubet et son équipe sont, enfin, attendus sur les terrains de la corruption, des libertés fondamentales, de la décentralisation, etc. Les défis sont ainsi nombreux et difficiles pour le nouveau chef du gouvernement, réputé conciliant et homme de terrain, contrairement à son prédécesseur, trop technocrate et direct aux yeux de sa famille politique.
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