Quand des cadres du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) ont quitté le parti, Juliette Bonkoungou ne les a pas suivis. L'ancienne ministre burkinabè s'en explique et revient sur la grave crise que traverse le parti au pouvoir.
Figure du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti au pouvoir, réputée pour sa liberté de ton, l’ancienne ministre Juliette Bonkoungou (59 ans) fait partie des personnes qui comptent dans l’entourage de Blaise Compaoré. Lorsque les esprits se sont échauffés au sein du "comité des sept" mis en place il y a quelques mois par le président pour réfléchir à la création du Sénat et à la révision de l’article 37 de la Constitution - qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels et interdit de fait à Compaoré de se représenter en 2015 -, c’est elle qui a tenté de renouer le dialogue avec ceux qui s’y opposaient. Quand ceux-ci ont claqué la porte le 4 janvier, provoquant une crise grave au sein du parti, elle ne les a pas suivis. Explications.
Jeune Afrique : On vous attendait dans le camp des démissionnaires, aux côtés de Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo et Simon Compaoré. Vous n’y figurez pas. Où vous situez-vous aujourd’hui ?
Juliette Bonkoungou : C’est vrai, on m’attendait dans le camp des démissionnaires. Mais parfois, le courage ne consiste pas seulement à s’aligner dans un camp ou dans un autre. Je pense, au regard de la situation sociopolitique qui prévaut dans mon pays, qu’il faut œuvrer à encourager le dialogue en vue d’un accord politique de sortie de crise. J’ajouterais que je me soucie aussi d’éviter que l’armée, qui a toujours été un acteur majeur de notre système de gouvernance depuis 1966, ne s’invite au débat et arbitre entre les politiques. Cela constituerait un recul inacceptable.
Vous restez donc fidèle au CDP ?
Oui, je reste au CDP. Je suis avec le président Blaise Compaoré. Il a toute ma loyauté. Ce qui n’est pas synonyme de blanc-seing.
Je crois que Blaise Compaoré est préoccupé par l’idée de mener une transition en douceur.
Blaise Compaoré doit-il passer la main ?
Je ne peux pas être une démocrate et penser qu’une seule personne est indispensable à tout un pays. Mais c’est à lui d’en décider, et aux Burkinabé de trancher. Le président a marqué l’histoire du Burkina Faso. Il a porté haut les couleurs de notre pays dans la sous-région, sur le continent et dans le monde. Cela lui donne-t-il le droit de ne pas céder le pouvoir ? Je dis non. Et je ne crois pas que ce soit son intention. Je crois qu’il est préoccupé par l’idée de mener une transition en douceur.
Quelle est votre position sur l’article 37 : faut-il le modifier ?
L’article 37 ne fait pas partie des articles de notre Constitution insusceptibles de modification. Donc, en droit, il peut être modifié. Mais en réalité, ici, le débat n’est plus juridique mais politique. C’est pourquoi je défends l’idée d’un dialogue pour un accord politique mais, le cas échéant, il faut l’arbitrage du peuple.
i référendum il y a, voterez-vous pour ou contre la fin de la limitation des mandats présidentiels ?
Dans la situation actuelle, je veux donner toutes les chances au dialogue, je me prononcerai au moment opportun. J’observe que les États-Unis, qui sont considérés comme un modèle en matière de démocratie, n’ont connu la limitation des mandats qu’en 1951, pour une constitution qui date de 1787.
L’opposition et de nombreuses organisations de la société civile n’en veulent pas, de ce référendum…
Je ne crois pas que l’avis d’un intellectuel de Ouagadougou ou de Bobo-Dioulasso vaille plus que celui de ma tante qui vit dans les tréfonds du Burkina. Même si on réunit un million de marcheurs, on ne peut pas se substituer à l’ensemble des électeurs burkinabé. Si le président va au référendum, il prend le risque de perdre. Rien ne dit qu’il l’emportera. Je ne comprends donc pas la réticence de certains opposants à l’idée de consulter le peuple.
Le dialogue est-il encore possible entre le pouvoir et l’opposition ?
J’y crois. Je connais tous les acteurs : Roch, Salif, Zéphirin (Diabré, le chef de file de l’opposition, un ancien cadre du CDP, NDLR)… Je leur fait confiance. Mais la balle est dans le camp du pouvoir. C’est celui qui a la force avec lui qui doit tendre la main.
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Propos recueillis par RĂ©mi Carayol 01022014 Jeuneafrique
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