Des milliers de Libyens ont manifesté vendredi contre la prolongation du mandat de la plus haute instance politique, sur fond de craintes de débordements dans ce pays divisé qui peine à mettre fin à une période de transition chaotique.
Une attaque jeudi soir contre le siège de l'état-major de l'armée à Tripoli a aggravé les craintes d'une journée mouvementée, durant laquelle les autorités de transition pourraient rapidement perdre le contrôle de la situation.
Les manifestations pacifiques se sont déroulé sans incident jusqu'à présent, à Tripoli comme à Benghazi (est), ainsi que dans d'autres villes du pays.
Sur la place des martyrs dans le centre de Tripoli et devant l'hôtel Tibesti à Benghazi, des centaines de manifestants sont venus exiger la dissolution du Congrès et l'organisation d'élections générales.
"Non à la prolongation", ont scandé les manifestants rassemblées, pour certains avec des balais. D'autres brandissaient des cartons rouges ou des pancartes proclamant: "07/02: date expirée".
Elu en juillet 2012 lors des premières élections libres de Libye après huit mois d'une révolte armée qui a chassé Mouammar Kadhafi, le Congrès général national (CGN) avait pour mission de préparer l'élection d'une Constituante et d'organiser des élections générales, dans un délai de 18 mois.
Selon ce calendrier, prévu par une déclaration constitutionnelle, sorte de mini-Constitution provisoire qui régit la transition post-Kadhafi, le mandat du CGN devrait s'achever le 7 février.
Mais le CGN a entériné lundi sa décision de prolonger son mandat jusqu'en décembre 2014, opérant des amendements constitutionnels, malgré l'opposition d'une grande partie de la population qui critique son incapacité à mettre fin à l'anarchie.
Population et partis politiques sont divisés: certains considèrent le Congrès comme responsable de tous les maux du pays et exigent sa dissolution, d'autres affirment "défendre la légitimité" et craindre le vide.
Lignes rouges
L'Alliance des forces nationales (libérale), principale force politique du pays, s'est déclarée contre la prolongation du mandat du Congrès, défendue par les islamistes.
De leur côté, milices et groupes armés ont choisi chacun leur camp, sur fond d'une lutte d'influence.
Ainsi, la Cellule des opérations des révolutionnaires en Libye, une milice pro-islamiste officieusement sous la tutelle de l'armée, a apporté son appui "à la légitimité" du Congrès, tout comme les puissants groupes armés de Misrata (ouest) qui ont tenu à souligner que toucher au Congrès signifiait franchir une "ligne rouge".
Leurs rivaux de Zenten, parmi les groupes armés les plus influents, assurent en revanche qu'ils protègeront tout mouvement populaire contre le CGN, et ont à leur tour fait valoir que le "peuple et la volonté du peuple" étaient aussi une "ligne rouge".
Le mufti, la plus haute autorité religieuse du pays, Sadek al-Ghariani, accusé d'"ingérence dans la politique" et d'alliance avec le bloc islamiste au Congrès, a défendu "la légitimité du CGN" et mis en garde contre le "chaos".
Le Premier ministre Ali Zeidan a appelé vendredi la population à manifester pacifiquement, affirmant que "tout pourrait être réalisé pacifiquement et par le dialogue".
Appel au dialogue
Le ministre de l'Intérieur par intérim, al-Seddik Abdelkarim, a ordonné plus tôt aux services de sécurité de "protéger les manifestants pacifiques", selon l'agence officielle Lana.
A Tripoli, l'armée a indiqué avoir repoussé jeudi soir une attaque contre son quartier général menée par des "hommes armés qui ont tenté d'y entrer", mais qu'il n' y avait pas eu de victime.
Mais selon une autre source militaire, il n'y a pas eu d'attaque et des combats ont éclaté après une dispute entre soldats.
Ces troubles interviennent au moment où le sort du Premier ministre Ali Zeidan reste incertain, même après l'échec d'une motion de censure contre son gouvernement.
La Mission d'appui des Nations unies en Libye (Unsmil) a appelé les autorités et toutes les parties prenantes en Libye à "mettre fin à la violence et à empêcher le pays de sombrer encore plus dans l'anarchie et le chaos".
La "concurrence politique ou les opinions contraires ne justifient pas, en aucune façon, l'utilisation de la violence", a insisté l'Unsmil dans un communiqué invitant toutes les parties au dialogue. 08022014 Jeuneafrique
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