Conséquence directe des violences et des pillages visant les commerçants, souvent musulmans en Centrafrique, le secteur de la distribution alimentaire du pays est totalement désorganisé, entraînant inflation et risques de pénuries de denrées de première nécessité.
"C'est maintenant que commence le plus dur. Maintenant que toutes les boutiques et magasins des musulmans sont pillés, saccagés, détruits, les prix ont sensiblement augmenté", résume Hervé Songo, un enseignant de Bangui.
Porté au pouvoir en mars 2013 par la rébellion Séléka à dominante musulmane, le président Michel Djotodia avait été contraint de démissionner en janvier par la communauté internationale excédée par son incapacité à mettre fin aux tueries interreligieuses.
Depuis lors, les milices "anti-balaka", à majorité chrétiennes, prennent quotidiennement pour cible les civils musulmans, leur reprochant leur "proximité" avec l'ancien pouvoir.
Avec la fuite des musulmans, toute l'économie banguissoise décline, sans compter l'insécurité régnant sur les axes routiers qui a achevé d'étouffer la capitale.
"La boîte d'allumettes est vendue 35 voire 50 francs CFA (FCFA, soit 75 centimes d'euro) au lieu de 25 FCFA. La bouteille d'eau minérale par exemple, est passée de 500 à 700 FCFA (environ 1 euro), l'huile, la farine, le sucre ont connu une augmentation frôlant les 25%", souligne M. Songo.
"C'est au marché Sambo au (quartier) KM5 que nous achetons les oignons, les arachides, les courges, l'ail, le piment, un peu de tout, que nous revendons au quartier. Ce n'est guère possible pour le moment. Les musulmans sont partis, il n'y a rien au marché, qui n'est que l'ombre de lui-même", commente Assise Kayolo, commerçante chrétienne.
Dans certains quartiers, seuls quelques-uns continuent de travailler dans la peur.
"Ils ont lynché un musulman ici il y a trois semaines, l'ont décapité avec une hache, et découpé en morceaux", se souvient Moumine Abdallah Ahmed, commerçant de Lakouanga.
"J'ai peur, je m'organise avec des jeunes d'ici pour ouvrir. Ce sont eux qui me protègent et veillent matin et soir sur la boutique. Ils ne me demandent rien, mais tu ne peux pas te montrer ingrat envers celui qui veut que tu sois en vie", explique-t-il en souriant.
Ce constat de pénurie est partagé par plusieurs ONG. Mardi, un communiqué signé notamment d'Oxfam et Action contre la faim a souligné un risque de "crise alimentaire majeure".
Selon le document, "les coûts des denrées de première nécessité, telles que manioc et arachide, ont déjà augmenté. Le manioc a augmenté de 20% depuis novembre. Les grossistes ont également signalé une diminution des ventes de 85 à 95% au cours des deux derniers mois en raison de la baisse des revenus des populations et de l?augmentation des prix. Compte tenu de la fuite des éleveurs, la viande a disparu de bien des étals de Bangui et, quand il y en a, elle est deux fois plus chère".
SĂ©curiser les voies commerciales
L'enjeu est de rouvrir et sécuriser les axes routiers permettant d'approvisionner Bangui, notamment en provenance du Cameroun voisin.
Sur ce point, l'intervention de la force de l'Union africaine en Centrafrique (Misca), soutenue depuis début décembre par 1. 600 soldats français dans un pays en déliquescence, semble porter ses fruits.
Lors d'une conférence de presse samedi, le général camerounais Martin Tumenta Chomu, commandant militaire de la Misca, s'est félicité de "la sécurisation du corridor de commerce entre Bangui et la ville frontalière (camerounaise) de Gamboula". 115 véhicules sont arrivés samedi, escortés par la Misca, a-t-il précisé.
"Cet axe est suffisamment sécurisé pour permettre à tous les chauffeurs de revenir", a-t-il assuré.
"Il n'y a plus de raisons pour que les camions ne viennent plus ici", a-t-il dit, ajoutant que la Misca allait désormais assurer 3 escortes de convois par semaine entre Bangui et le Cameroun.
Le blocage de cet axe stratégique menaçait également les opérations du Programme alimentaire mondial (PAM), dont certains camions étaient bloqués à la frontière depuis le 6 janvier. 23 camions du PAM, chagés de 27 tonnes en moyenne chacun, ont pu arriver ce week end à Bangui, a indiqué à l'AFP le porte-parole de l'organisation à Bangui, Alexis Masciarelli. 12022014 Jeuneafrique
|