Le dossier du journaliste Ali Anouzla, dont l'arrestation avait entraîné de vives protestations, est "entre les mains de la justice", a déclaré vendredi le chef de la diplomatie Salaheddine Mezouar, défendant les "avancées" du Maroc en matière de liberté d'expression.
M. Anouzla a été arrêté en septembre pour avoir publié sur la version arabophone de Lakome, qu'il dirige, un lien vers une vidéo d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) appelant au jihad et fustigeant la monarchie marocaine, dans le cadre d'un article consacré à ce document inédit.
Inculpé pour "aide matérielle", "apologie" et "incitation au terrorisme", ce journaliste connu pour ses prises de position critiques envers le régime est sorti de prison après un mois de détention et une campagne de mobilisation au Maroc et à l'étranger. Il est néanmoins toujours poursuivi et doit à nouveau comparaître le 20 mai.
Alors que le Département d'Etat américain avait lui-même exprimé son "inquiétude" après cette arrestation, le ministre marocain des Affaires étrangères a été interrogé lors d'une conférence de presse avec son homologue John Kerry, en visite à Rabat.
"Il s'agit d'un dossier entre les mains de la justice", a réagi M. Mezouar, appelant à "respecter" les "prérogatives" et le "fonctionnement" de cette institution.
Selon lui, "il y a une loi au Maroc qui est très claire: faire l'apologie du terrorisme est considéré comme un acte provocateur au niveau de la société et c'est ce qui a constitué la base" des poursuites.
"Nous avons beaucoup de respect pour M. Anouzla et naturellement nous souhaitons que ce type de question soit dépassé, qu'il y ait un consensus au niveau de tous les acteurs de la société par rapport aux questions de terrorisme", qui sont d'une "extrême sensibilité", a enchaîné le ministre.
"Dans le domaine de la liberté d'expression comme d'autres domaines, le Maroc ne cesse de réaliser des avancées considérables", a-t-il également fait valoir.
Dans une déclaration à l'AFP, Khadija Ryadi, coordinatrice du comité de soutien à Ali Anouzla, a pour sa part estimé que la loi antiterroriste --votée en 2003 après une vague d'attentats à Casablanca-- avait "dans cette affaire été manipulée (. . . ) pour porter atteinte à la liberté d'expression".
"Nous pensons que M. Anouzla a fait son travail et la question qui se pose maintenant c'est aussi de savoir pourquoi son site reste fermé", a-t-elle ajouté.
Fin mars, Ali Anouzla a écrit au chef du gouvernement Abdelilah Benkirane afin de protester contre la fermeture persistante de Lakome, dont l'accès avait été suspendu à sa demande alors qu'il se trouvait en prison.
Reporters sans frontières (RSF) a adressé une lettre jeudi à M. Kerry --qui ne s'est pas exprimé sur le sujet-- pour évoquer la situation de M. Anouzla, lequel est passible de 20 ans de prison d'après Amnesty, et plus largement celle de la liberté de la presse au Maroc.
Le royaume occupe la 136e place (sur 180 pays) dans le dernier classement de RSF, une position jugée injuste par Rabat. 05042014 Jeuneafrique
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