Une centaine de rebelles hutu rwandais des FDLR se sont rendus avec leurs armes vendredi dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), un premier geste censé initier un processus de reddition attendu depuis 20 ans.
Réfugiés dans l'est de la RDC depuis 1994, les rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) sont accusés d'avoir participé au génocide des Tutsi, qui a fait au moins 800.000 morts selon l'ONU. La prudence reste toutefois de mise: de précédentes initiatives pour régler la question des FDLR sont restées sans suite.
La cérémonie s'est déroulée dans la cour d'une école primaire de Kateku, petite localité agricole à environ 220 km au nord de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu. En majorité jeunes, et apparemment en bonne forme dans leurs joggings et T-shirts, les 105 hommes qui se sont rendus vendredi, présentés comme rwandais par le "général-major" Victor Biringiro, président par intérim des FDLR, ont remis 100 armes, dont 12 armes lourdes.
Les ex-combattants ont été conduits à la localité de Kanyabahonga, au sud de Kateku, à bord de camions de la mission de l'ONU (Monusco). Suite à leur requête, ils doivent y être rejoints par leurs familles "dans 48 heures", a déclaré à l'AFP le général Delphin Kahimbi, superviseur la reddition pour l'armée congolaise. Les FDLR, très affaiblies, comptent environ 1.500 rebelles selon l'ONU, Kigali avançant le chiffre de 4.000. Elles sont surtout disséminées dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, où elles sont accusées de graves exactions (viols, meurtres, pillages, enrôlements d'enfants...) contre les civils.
Fin 2013, les FDLR avaient annoncé qu'elles déposeraient les armes après l'ouverture de négociations avec le Rwanda. Mais Kigali a refusé de dialoguer avec la rébellion, dont le chef Sylvestre Mudacumura, recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre, court toujours. Le 18 avril, les FDLR, qui comptent dans leurs rangs des Congolais, ont finalement annoncé vouloir rendre des armes et remettre des "ex-combattants importants" à la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), afin de "se consacrer à la lutte politique".
"22 jours" pour réussir?
"La communauté internationale est interpellée" afin que se mettent en place "un espace libre et sécurisé et l'organisation d'un dialogue franc, sincère pour un règlement pacifique et définitif du problème rwandais", a plaidé le "général-major" Biringiro durant la cérémonie. Y assistaient le vice-gouverneur provincial Feller Lutaichirwa, le lieutenant-colonel Omari Majani de la SADC et Tom Young, représentant de l'envoyée spéciale de l'ONU pour la région des Grands Lacs, Mary Robinson.
"Nous considérons que ces hommes ayant lâché les armes méritent d'être sécurisés. (...) Le gouvernement de la République vous offre la sécurité", a lancé M. Lutaichirwa, dont la province est déchirée depuis presque 20 ans par des conflits chroniques. Joint par téléphone à Goma, le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, a affirmé que la cérémonie de vendredi doit être la "première vague" d'un processus de reddition censé être bouclé "d'ici 22 jours".
Selon lui, l'objectif est d'obtenir la reddition de "800 combattants" au Nord-Kivu et de "600" au Sud-Kivu, de les regrouper à Walikale, à l'ouest de Goma, puis de les transférer dans un site de "relocalisation provisoire" à Irebu, dans la province de l'Equateur (ouest de la RDC), où ils pourront choisir de "retourner au Rwanda ou demander asile". Pourquoi les éloigner autant de l'est de la RDC? Il s'agit de ne pas donner un "prétexte" à Kigali, qui pourrait accuser la RDC d'"entraîner" ces éléments FDLR "pour mener une éventuelle attaque" s'ils restaient dans la zone, a expliqué le gouverneur.
Depuis des années, la RDC et le Rwanda s'accusent mutuellement d'instrumentaliser les FDLR. Présent à la cérémonie, Me Dellyco Mbambu, responsable de l'association Cercle international pour la défense des droits de l'Homme et la paix (CIDDHOP), a appelé à un cantonnement décent des ex-rebelles, pour qu'ils ne s'enfuient pas comme par le passé. "Si le gouvernement veut bien pacifier la zone, avoir une paix durable, il faut qu'il les place dans de bonne conditions".
Mais les autorités espèrent que le processus est bel et bien lancé, alors que l'armée et les Casques bleus promettent depuis plusieurs mois de "neutraliser" les FDLR. "Avec la remise des armes vous offrez à la RDC la paix. Le gouvernement de la République vous offre la sécurité", a lancé aux ex-combattants le vice-gouverneur provincial Feller Lutaichirwa. "Pour la première journée, c'est un bon début, mais peut mieux faire", a pour sa part déclaré à l'AFP le général Abdallah Wafi, numéro deux de la Monusco. "Nous encourageons le processus (...) mais (...) seuls les jours à venir vont déterminer la crédibilité et le sérieux du processus", a-t-il ajouté. Il a précisé que sur 105 rendus, seuls 97 ont finalement été transférés à Kanyabahonga car certains "se sont éclipsés en douce au moment d'embarquer dans les camions". 01062014 Jeuneafrique
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