BĂ©nin : Boni Yayi contre les requins
le 07/06/2014 11:44:16
BĂ©nin

Image redimensionnéeLe régime béninois affiche sa volonté de lutter contre les détournements de fonds et autres malversations. Mais il a fort à faire...

Lors de son élection en mars 2006, Thomas Boni Yayi avait promis aux 9 millions de Béninois de lutter sans merci contre les malversations financières et de créer les conditions indispensables à une bonne gouvernance. En juillet 2007, l'ancien banquier avait même organisé dans les rues de Cotonou une marche verte contre la corruption. Mais sans parvenir à endiguer le fléau, le premier quinquennat s'achevant sur deux scandales retentissants.

En 2009, des "dysfonctionnements" sont apparus dans la passation de marchés relatifs à l'organisation du sommet de la Communauté des États sahélo-sahariens (Cen-Sad) de 2008, et la qualité de certains des travaux réalisés pour accueillir l'événement a été mise en question. En 2010 éclatait l'affaire ICC Services et consorts, du nom de l'une des structures de placement qui avaient floué, à hauteur de plus de 100 milliards de F CFA (150 millions d'euros), des centaines de milliers de petits épargnants. Résultat, la lutte contre la corruption et l'impunité s'est une nouvelle fois invitée dans la campagne présidentielle, en 2011. Trois ans plus tard, où en est-on ?

Six mois après sa réélection en 2011, le chef de l'État a fait adopter une loi contre la corruption et l'enrichissement illicite rendant les crimes économiques imprescriptibles. Il a cependant fallu attendre février 2013 pour qu'il nomme par décret onze des treize membres de l'Autorité nationale de lutte contre la corruption (ANLC), créée en 2011 dans la foulée du vote de la loi. Toujours en février 2013, l'Assemblée nationale donnait son feu vert à l'ouverture d'enquêtes judiciaires visant cinq anciens membres du gouvernement, notamment Soulé Mana Lawani, ministre de l'Économie et des Finances, pour les malversations liées au sommet de la Cen-Sad, et Armand Zinzindohoué, son collègue de l'Intérieur, mis en cause dans le scandale d'ICC Services. Depuis, les personnes incarcérées dans le cadre de cette affaire ont toutes été libérées sur décision de justice, et une grande partie des petits épargnants spoliés attend toujours d'être dédommagée. Par ailleurs, plus d'un an après la nomination des membres de l'ANLC chargés de réunir les preuves dans les affaires de corruption, aucun dossier n'a encore été instruit.

Il y avait des détournements à la cuillère, aujourd'hui à la louche

En décembre dernier, reprochant au pays de ne pas avoir "satisfait aux critères du Millenium Challenge Corporation [MCC] en matière de lutte contre la corruption", le conseil d'administration de ce fonds de développement américain annonçait qu'il suspendait l'éligibilité du Bénin à sa seconde phase d'investissements. "Au regard de tous les scandales, on comprend la réaction des États-Unis. Au cours du régime précédent, il y avait des détournements à la cuillère ; aujourd'hui, il y en a à la louche", déplore Raoul Hounsounou, directeur de publication de Nord-Sud Quotidien.

"Faux, rétorque Bernardin Aligbonon, président du Cercle d'action pour l'avenir de la refondation, proche du pouvoir. Le président Yayi est victime de sa volonté de transparence. Il prend toujours les devants pour dénoncer les faits de corruption, quitte à livrer des proches. Avant, personne n'en parlait !" Exemple : le 23 avril, Kassim Traoré, directeur général par intérim du Port de Cotonou (PAC) a été relevé de ses fonctions sur décision du Conseil des ministres. Il aurait été limogé pour avoir imposé une taxe de 5 000 F CFA sur chaque véhicule sortant du PAC, indépendamment des frais payables au guichet unique. Ce que le chef de l'État n'aurait pas du tout apprécié. Kassim Traoré assurait l'intérim de la direction du PAC depuis le départ de Joseph Ahanhanzo-Glélé, l'ex-directeur général du port, en septembre 2012 à la suite de son implication... dans un dossier de corruption.
07062014
Jeuneafrique

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