Dans un communiqué conjoint, quatre associations de défense des droits de l’homme accusent la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), qui doit bientôt juger Karim Wade, d’attenter aux droits de la défense et au droit à un procès équitable.
Alors que le procès de Karim Wade s’ouvrira le 31 juillet à Dakar devant sa chambre de jugement, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) vient de recevoir une nouvelle volée de bois vert. Dans un communiqué de presse conjoint publié le 5 juin, quatre ONG – la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH), la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (RADDHO) et l’Organisation nationale des droits de l’homme (ONDH) – dénoncent cette « juridiction d’exception qui ne garantit pas le droit à un procès équitable ».
Pour l’avocat Patrick Baudouin, président d’honneur et responsable du Groupe d’action judiciaire de la FIDH, « il est regrettable que cet organe d'un autre âge ait été réactivé sans avoir été mis en conformité avec les principes les plus élémentaires du droit de la défense ».
Il est vrai que la CREI, créée en 1981 et mise en sommeil trois ans plus tard, a été sortie de sa léthargie en 2012 par Macky Sall pour servir de bras armé à la « traque aux bien mal acquis » sans que quiconque ne songe à dépoussiérer le texte de loi à l’origine de sa création. Or un certain nombre de ses règles de procédure contreviennent au droit à un procès équitable. « Lutter contre la corruption et l'enrichissement illicite est légitime, souligne Me Assane Dioma Ndiaye, le président de la LSDH. Mais la CREI ne prévoit aucune possibilité d'appel, et ses règles de procédures renversent la charge de la preuve. »
Initialement dénoncés par les seuls avocats et partisans de Karim Wade, les excès de la CREI ont, au fil des mois, fait l’objet de mises en cause de plus en plus fréquentes, émanant pour l’essentiel de juristes et d’organisation de défense des droits de l’homme.
Jusqu’à présent, le régime de Macky Sall a fait la sourde oreille, se réfugiant derrière le fait que la loi portant création de cette juridiction spéciale avait été votée par le Parlement 31 ans avant son accession au pouvoir et que le régime précédent n’avait jamais jugé utile de l’abroger. Une position de moins en moins tenable, d’autant que le ministre sénégalais de la Justice, Sidiki Kaba, est non seulement un avocat réputé mais aussi un ancien président de la FIDH. Selon nos informations, ce dernier a d’ailleurs reçu officieusement, jeudi dans l’après-midi, une délégation de la Fédération.
« Nous ne sommes pas les avocats de Karim Wade, nous défendons des principes, fait valoir Florent Geel, responsable du bureau Afrique de la FIDH. Nos juristes seraient d’ailleurs disponibles pour réfléchir avec les autorités sénégalaises à un dépoussiérage des textes sur l’enrichissement illicite qui permettrait de poursuivre ces procédures tout en respectant les droits de la défense. » Faute de quoi le procès de Karim Wade pourrait bien tourner au procès de la CREI.
Mehdi Ba, Ă Dakar 08062014 Jeuneafrique
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