Maroc : le Premier ministre préfère la femme au foyer
le 25/06/2014 09:28:16
Maroc

Des militantes et responsables politiques marocaines ont exprimé mardi leur indignation, devant le Parlement de Rabat, à la suite de propos du chef du gouvernement islamiste, Abdelilah Benkirane, vantant la place de la femme au foyer, a constaté un journaliste de l'AFP.

"Benkirane, ça suffit!", "Benkirane dégage, le Maroc n'est pas à toi!": à l'appel de la "Coalition civile pour l'application de l'article 19 de la Constitution", environ 200 personnes, brandissant pour certaines casseroles et cuillères, ont marqué leur courroux contre le chef du parti Justice et développement (PJD).

"Sa vision rétrograde, nous ne l'accepterons jamais! Nous refusons cette humiliation de la part d'une personne qui considère les femmes comme des lustres de maison", a déclaré à l'AFP l'ancienne ministre de la Famille, Nouzha Skalli.

La semaine passée, s'exprimant devant le Parlement, M. Benkirane avait ouvertement regretté l'évolution de la société marocaine, fustigeant "le modèle européen" et louant le "rôle sacré" de la femme au foyer.

"Il y a un problème par rapport au rôle de la femme dans la famille moderne. (. . . ) Lorsque la femme est sortie des foyers, ceux-ci sont devenus sombres", avait-il jugé.

"Vous qui êtes là, vous avez été éduqués dans des maisons où il y avaient des lustres. Ces lustres étaient vos mères", avait notamment ajouté M. Benkirane, affirmant: "nous sommes fiers car Dieu nous a honorés pour défendre cette dimension".

Ces propos ont entraîné une levée de boucliers, y compris sur les réseaux sociaux sous le hashtag "#anamachitria" ("je ne suis pas un lustre").

Il s'agit d'un "appel implicite à confiner la femme à la fonction biologique reproductive et au travail domestique", a dénoncé un collectif regroupant des dizaines d'ONG locales.

- 'Excuses officielles' -

Alors que le calendrier des élections régionales de 2015 vient d'être publié --des rendez-vous qui auront valeur de test un an avant les législatives--, le chef du gouvernement a en outre été accusé de "quémander les votes" des "courants salafistes et conservateurs".

Dans un communiqué distinct, les femmes de l'Union socialiste des forces populaires (USFP, opposition) ont également condamné les propos de M. Benkirane, l'exhortant "à se concentrer plutôt sur l'application de l'article 19 de la nouvelle constitution" de 2011, adoptée durant le Printemps arabe.

Cet article exhorte, entre autres, "l'Etat marocain à ?uvrer à la réalisation de la parité homme-femme".

"Nous réclamons des excuses officielles depuis la tribune du Parlement, là-même où nos droits et notre dignité ont été atteints", a renchéri une militante, Latifa Jbabdi.

Sollicité par l'AFP, les services du porte-parole du gouvernement, Mustapha Khalfi, issu du PJD, n'ont pas donné suite.

Cantonné durant des décennies dans l'opposition, le PJD a remporté un succès historique lors des législatives de fin 2011, suscitant un vent d'espoir, quelques mois après l'adoption d'une nouvelle constitution censée accorder une série de droits nouveaux, notamment en matière d'égalité homme-femme.

Des débats surgissent régulièrement au Maroc sur la situation de la femme, à la lumière notamment de ce nouveau texte.

L'an dernier, les parlementaires, après avoir obtenu l'aval du gouvernement, ont amendé un article du code pénal qui permettait à un violeur d'échapper à la prison en épousant sa victime mineure.

Un amendement au code de la famille de 2004 ("Moudawana") est actuellement évoqué afin d'interdire les dérogations permettant le mariage de mineures, un fléau dans le royaume (plus de 35. 000 cas en 2013).
25062014
Jeuneafrique

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