Dans le Soudan du Sud en guerre, l'hôpital géré par Médecins sans Frontières (MSF) à Leer a été incendié, ravagé, pillé. Pourtant les mères s'y pressent avec leurs enfants amaigris: la localité est privée de tout et coupée du monde.
Les équipes de MSF ont évacué Leer fin janvier, pendant que la population fuyait en brousse les combats pour le contrôle de cette localité du Nord entre forces gouvernementales et rebelles. Les belligérants s'affrontent depuis mi-décembre dans le plus jeune Etat du monde, qui a célébré mercredi son troisième anniversaire.
De retour début mai, le personnel de l'ONG a trouvé l'hôpital de 120 lits - seul centre médical de la région, ouvert il y a 25 ans - mis à sac et partiellement détruit.
"L'hôpital a été incendié, pillé, vandalisé. (. . . ) Nous ne savions pas très bien ce que nous pouvions faire, mais quand nous sommes arrivés, les besoins étaient énormes", raconte à l'AFP Sabrina Sharmin, coordinatrice de projet de MSF à Leer, encore sous le choc des dégâts subis par l'établissement où elle fut médecin en 2009-2010.
La maternité, le service des urgences, la réserve où étaient conservés médicaments, matériel médical et vaccins, ont été incendiés. Idem pour les bureaux, installés dans des conteneurs noircis par les flammes où subsistent des squelettes d'armoires, de classeurs ou d'étagères métalliques.
Le toit d'une partie des bâtiments s'est effondré. Tous les lits ont été emportés. Le bloc chirurgical, où 400 personnes ont été opérées en 2013, a été détruit.
Après avoir sommairement nettoyé, les équipes de MSF ont rouvert ce qu'il était possible de refaire fonctionner rapidement: soins hospitaliers, soins ambulatoires et service d'alimentation thérapeutique.
Le premier jour, "nous avons admis 800 enfants dans notre centre d'alimentation thérapeutique, en une semaine nous en avions environ 1. 400", poursuit Sabrina Sharmin.
"Pour donner un ordre de comparaison, en 2013 nous avons admis 2. 300 enfants sur l'ensemble de l'année. Nous avons déjà 2. 500 enfants depuis le 15 mai jusqu'à aujourd'hui".
- Des ânes au lieu d'ambulances -
Dans le service d'alimentation intensive, une dizaine d'enfants très amaigris sont placés sous surveillance et nourris toutes les trois heures. Leurs mères attendent, assises ou allongées sur des nattes.
Dans le bâtiment aux murs de chaux et au toit de tôle, où règne une chaleur moite, les enfants, parfois des bébés, semblent épuisés et n'avoir plus la force de pleurer.
Quelque 1. 800 autres sont également traités au centre d'alimentation ambulatoire, où ils reçoivent des sachets de réalimentation, contenant une pâte à base d'arachide. Quelques-uns s'en barbouillent avidement.
Dans la brousse, la population s'est nourrie essentiellement de végétaux, souvent des nénuphars cueillis sur le Nil proche, et a bu l'eau du fleuve.
Après la fuite des habitants, la ville, désormais coupée du reste du pays par la saison des pluies, a été pillée. Il n'y a plus de nourriture disponible et la population ne survit que grâce aux largages aériens effectués par la Croix-Rouge.
"La malnutrition est l'un des plus importants problèmes, mais le paludisme fait aussi son apparition" avec les pluies et il y a de nombreux cas de diarrhée, explique la responsable de MSF.
L'hôpital est le seul centre de soins existant pour 270. 000 habitants dans le sud de l'Etat d'Unité. Les neuf véhicules de l'hôpital ont été volés et "on ne peut plus transporter personne à l'hôpital", souligne-t-elle.
Ce sont désormais des ânes qui permettent d'aller chercher matériel et médicaments, livrés par avion sur la petite piste de terre de Leer.
Les générateurs ont été détruits, de même que les réfrigérateurs: il n'y a donc plus de vaccins disponibles. Le service de chirurgie n'a pas pu rouvrir. Pas plus que le laboratoire ou le service de traitement contre le VIH ou la tuberculose.
Dans cette ambiance pesante, "Monsieur Tom", une grande marionnette dont un membre de l'ONG tire les fils, fait passer en chantant des messages de prévention, sous les rires joyeux des enfants et des mamans qui attendent une consultation. 13072014 Jeuneafrique
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