Réunie à Tripoli, l'Assemblée libyenne sortante a chargé lundi un pro-islamiste de former un "gouvernement de salut national", défiant ainsi ouvertement le cabinet provisoire installé à Tobrouk, dans l'extrême est du pays.
La situation politique libyenne était déjà difficile à suivre. Elle risque désormais de devenir très compliquée : le pays pourrait bientôt se voir doter de deux gouvernements concurrents, parallèlement à ses deux Parlements rivaux.
Lundi 25 août, l'Assemblée sortante, réunie à Tripoli, a chargé un responsable islamiste de former un "gouvernement de salut national", dans un geste de défi au cabinet provisoire installé à Tobrouk et qui semble incapable de reprendre la main face aux milices semant le chaos. Cette réunion a été convoquée par les islamistes, qui dominent l'assemblée sortante et contestent toute légitimité au nouveau Parlement, où il sont minoritaires.
Issu des élections de juin, ce dernier siège à Tobrouk, à 1 600 km à l'est de la capitale libyenne, tout comme le gouvernement provisoire, en raison des violences secouant une grande partie du pays. "Le Conseil général national (CGN) (réuni à Tripoli, NDLR) a démis Abdallah al-Theni de la tête du gouvernement et chargé Omar al-Hassi de former, dans un délai d'une semaine, un gouvernement de salut national", a annoncé le porte-parole de cette assemblée, Omar Ahmidane.
Une décision "illégale"
Les islamistes accusent notamment les autorités en place d'être complices des récents raids aériens menés par les Émirats arabes unis et l'Égypte contre leurs hommes, lors des combats pour le contrôle de l'aéroport de Tripoli, fermé depuis le 13 juillet.
Le CGN considère que gouvernement et Parlement ont ainsi "perdu toute légitimité", a indiqué Omar Ahmidane. Selon lui, l'Assemblée sortante soutient les "opérations légitimes destinées à achever la libération du pays", faisant référence à l'offensive des islamistes contre les miliciens nationalistes autour de l'aéroport de la capitale.
Lors d'une conférence de presse avec le chef du Parlement à Tobrouk, le Premier ministre Abdallah Al-Theni a rejeté l'annonce de l'Assemblée sortante, affirmant que "la réunion est illégale, ses décisions sont illégales et le seul corps législatif légal est le Parlement" élu le 25 juin. Le Parlement a qualifié ce week-end de "terroristes" les milices islamistes et les jihadistes qui contestent sa légitimité et affirmé son intention de les combattre.
Succès militaire des islamistes
Il a désigné tard dimanche un nouveau chef d'état-major, le général Abdel Razzak Nadhouri, qui a aussitôt déclaré la "guerre aux terroristes". Le Parlement a assuré son soutien à "l'armée pour qu'elle continue sa guerre (contre la coalition de milices islamistes Fajr Libya et le groupe jihadiste Ansar Asharia qui contrôle une bonne partie de Benghazi, la deuxième ville du pays) jusqu'à les contraindre à cesser les tueries et à remettre leurs armes".
De son coté, Ansar Asharia a appelé les autres milices islamistes, notamment Fajr Libya, à rejoindre ses rangs. L'appel du pied d'Ansar Asharia aux islamistes intervient après le succès militaire remporté par ces derniers contre les miliciens nationalistes de Zenten (ouest) à Tripoli.
Les islamistes de Fajr Libya ont annoncé samedi avoir pris l'aéroport à ceux de Zenten. Des images diffusées lundi par la télévision Annabaa semblent confirmer cette prise, montrant la salle d'embarcation de l'aéroport ravagée par les combats.
Les pays occidentaux s'alarment
Sur le plan diplomatique, les pays voisins de la Libye, réunis lundi au Caire, ont assuré leur soutien "aux institutions libyennes légitimes, à leur tête le Parlement élu, représentant l'expression de la volonté populaire libyenne". Ils ont par ailleurs appelé au désarmement des milices, rejetant toute "ingérence" étrangère dans les affaires de ce pays.
Quant aux États-Unis et à leurs alliés européens, ils se sont alarmés lundi d'une escalade du conflit en Libye soumise à l'anarchie. Dans un communiqué commun, Washington, Paris, Londres, Berlin et Rome ont condamné avec force "une escalade des combats et des violences en Libye" et réclamé la poursuite d'une "transition démocratique dans ce pays en plein chaos semé par des groupes islamistes".
Les pays occidentaux, qui étaient intervenus militairement en Libye en 2011, ont également dénoncé les "interférences extérieures en Libye qui exacerbent les divisions du pays", en allusion aux frappes aériennes menées par les Émirats arabes unis et l'Égypte pour empêcher ces islamistes de prendre le contrôle de l'aéroport de Tripoli.
(Avec AFP) 26082014 Jeuneafrique
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