De Nouakchott à Niamey, le nouvel envoyé spécial de l'ONU se démène pour mobiliser chefs d'État et partenaires internationaux. Son nom ? Hiroute Guebre Sellassie.
Quand Ban Ki-moon a fait appel à elle, début 2014, pour remplacer Romano Prodi au poste d'envoyé spécial des Nations unies pour le Sahel, Hiroute Guebre Sellassie n'a pas hésité longtemps. "J'ai tout de suite dit oui : ce n'était pas seulement une offre d'emploi, il s'agit d'une mission importante pour l'avenir de l'Afrique", glisse-t-elle avec enthousiasme, installée dans le salon d'un hôtel parisien.
À 61 ans, cette Éthiopienne parfaitement francophone - elle fut élève au lycée français d'Addis-Abeba avant d'aller étudier le droit à la Sorbonne - a déjà une solide expérience en matière de paix et de sécurité sur le continent. Après plusieurs années en tant que conseillère sur la question des conflits en Afrique de l'Est et en Afrique centrale pour la confédération d'ONG Oxfam, elle dirigeait depuis 2007 le bureau régional de Goma au sein de la Monusco, la mission de l'ONU en République démocratique du Congo.
Les groupes armés, les négociations chaotiques et les opérations de maintien de la paix, elle connaît. Mais malgré l'ampleur de sa tâche dans l'Est congolais, elle confie à demi-mot que le Sahel lui apparaît encore plus complexe : "Les menaces y sont multiples : terrorisme, trafics de drogue et d'êtres humains... Et il faut faire face à de nombreux acteurs, répartis sur un espace géographique immense qui englobe plusieurs pays et nécessite une forte collaboration régionale."
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Prise de conscience"
Un peu plus de trois mois après sa prise de fonctions (le 1er mai), la nouvelle représentante sahélienne de l'ONU multiplie les déplacements. Depuis Dakar, où elle dirige une équipe d'une dizaine de personnes, elle a déjà sillonné une bonne partie de la sous-région. Sur les cinq pays qui composent le "G5 du Sahel", elle en a visité quatre : la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Elle doit se rendre au Tchad fin août. Chaque fois, elle s'est longuement entretenue avec les chefs d'État et dit avoir senti "une vraie prise de conscience". "La crise malienne a été un déclencheur qui a fait comprendre qu'il fallait absolument renforcer la collaboration politique et militaire", affirme-t-elle.
Au-delà de cette dimension régionale, Hiroute Guebre Sellassie est convaincue qu'elle ne pourra mener à bien sa mission sans l'appui, notamment financier, de la communauté internationale. "Il existe de nombreuses initiatives pour le Sahel, qui impliquent différents acteurs étatiques et internationaux. Mon principal challenge sera de coordonner toutes ces bonnes volontés", expose-t-elle.
Elle a passé cinq ans en prison
Parmi ces partenaires non africains, la France, qui après son intervention au Mali vient de renforcer sa prĂ©sence sur le terrain avec le lancement de l'opĂ©ration Barkhane, destinĂ©e Ă sĂ©curiser l'ensemble de la bande sahĂ©lo-Âsaharienne. Ce n'est donc pas un hasard si la responsable onusienne s'est rendue fin juillet Ă Paris, oĂą son agenda surchargĂ© l'a menĂ©e du bureau des conseillers Afrique de François Hollande Ă celui de Laurent Fabius, le chef de la diplomatie. En bonne diplomate elle-mĂŞme, elle se contente de souffler que les dirigeants français et l'ONU "partagent les mĂŞmes analyses sur le contexte et les solutions Ă mettre en place".
Mariée et mère de trois enfants, cette femme disponible et souriante ne se montre guère plus bavarde sur son passé éthiopien. Après ses études parisiennes, elle est rentrée à Addis-Abeba, où elle a décroché un poste au ministère des Affaires étrangères. Dès l'âge de 25 ans, opposante au régime communiste dictatorial de Mengistu, elle a passé cinq années en prison avant d'être libérée à la faveur d'une amnistie générale. De cette sombre période, Hiroute Guebre Sellassie a tiré une détermination à toute épreuve. Une qualité précieuse au vu de l'immensité de la tâche qui l'attend.
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Benjamin Roger 26082014 Jeuneafrique
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