La France a lancé mardi un appel à "mobiliser la communauté internationale" et agir en Libye, alors que les craintes se multiplient dans la région face au risque d'un nouveau foyer terroriste.
"Nous devons agir en Libye et mobiliser la communauté internationale", a déclaré mardi le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, au quotidien français Le Figaro, en craignant que les acquis obtenus au Mali contre la menace jihadiste ne soient entamés par la détérioration de la situation sécuritaire dans ce pays.
Pour autant, l'idée de Paris, qui a récemment réorganisé son dispositif militaire au Sahel - 3. 000 hommes dotés d'avions, d'hélicoptères et de blindés - ne semble pas être une opération armée comme celle qui se monte pour l'Irak, mais plutôt une mobilisation politique des pays de la région avec un soutien de l'Onu.
"Zone de tous les trafics", le Sud de la Libye "est une sorte de hub où les groupes terroristes viennent s'approvisionner, y compris en armes, et se réorganiser", a mis en garde le ministre français.
Avec un gouvernement exilé dans l'Est, la Libye est aujourd'hui à la dérive, livrée aux milices armées et incapable de mener à bien une transition politique depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011.
Dans la région, les craintes se multiplient de voir le Sud du pays devenir un réservoir de groupes terroristes. "Le Sud libyen est un vrai nid de terroristes : toutes +les forces du mal+ y sont concentrées et c'est une vraie menace pour le Niger", résume Mohamed Ouagaya, ex-chef rebelle touareg résidant dans le nord de ce pays.
- Solution arabe ? -
Le Maroc, qui a évoqué "une menace terroriste sérieuse", a intensifié depuis trois ans les rapatriements de ressortissants vivant en Libye. La situation qui y prévaut "nous préoccupe beaucoup et surtout la présence des jihadistes", dit-on aussi à l'état-major tchadien.
Mais pas question dans le même temps d'accepter une intervention militaire internationale.
"Notre vision est claire sur cette affaire nous n?acceptons pas d?interventions étrangères à nos frontières, nous privilégions un règlement régional", a affirmé cet été le Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal. Son pays, qui partage une longue frontière avec la Libye, avait soutenu jusqu'au bout Mouammar Kadhafi, vaincu par une rébellion soutenue par des frappes aériennes occidentales, notamment françaises et britanniques.
La Tunisie, également frontalière de la Libye, est aussi "opposée par principe à toute intervention militaire dans un pays". "Nous nous focalisons d?abord sur l?approche diplomatique internationale pour apaiser la situation", a indiqué le porte-parole du gouvernement tunisien, Nidhal Ouerfelli.
Dans la région comme chez les experts, beaucoup estiment que les Occidentaux, et la France au premier rang, portent une lourde responsabilité dans la situation actuelle en Libye.
"Il faut quand même rappeler que le chaos libyen est la conséquence directe de l?intervention de l?Otan. On ne le dit peut-être pas suffisamment", souligne René Otayek, du Centre d'étude sur l'Afrique noire à Sciences Politiques-Bordeaux. "Manifestement, le jour d?après n?a pas été prévu et aujourd?hui les conséquences sont l'effondrement du régime libyen, la militarisation de la société libyenne, la disparition de toute forme d?Etat", déplore-t-il.
Opposée aussi à une intervention militaire internationale, l'Egypte, autre pays voisin, est "soucieuse d?empêcher une chute de la Libye dans les mains des terroristes". L'Egypte privilégie une solution arabe en Libye, même si elle est accusée par les rebelles islamistes proches des Frères musulmans d?avoir mené récemment avec les Emirats arabes unis des frappes aériennes contre leurs positions.
"Autant on peut reconnaître un ennemi en Irak, autant c'est plus compliqué en Libye", note une source diplomatique française. "Un traitement militaire en Libye ? Aller taper sur qui au juste ?"
"Une solution politique doit être privilégiée parce que c?est la seule à même d?apporter une réponse durable à l?instabilité actuelle qui mine la Libye et génère des violences et du terrorisme dans ce pays", a souligné mardi le ministère français des Affaires étrangères. 10092014 Jeuneafrique
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