Libéria : pourquoi l'armée américaine entre en scène au Liberia
le 24/09/2014 13:42:13
Libéria

Le chef des troupes américaines en Afrique (Africom) va diriger en personne depuis Monrovia le déploiement de 3 000 soldats pour lutter contre l'épidémie d'Ebola. Les raisons d'une intervention spectaculaire.

Ellen Johson Sirleaf a-t-elle un don pour convaincre les Américains ? Dans une lettre datée du 10 septembre, la présidente du Liberia (pays le plus durement touché par l’épidémie d’Ebola) appelait Barack Obama à l’aide. Quatre jours plus tard, celui-ci réagissait en annonçant un plan d’une ampleur inédite qui prévoit de déploiement de 3 000 soldats, dont le chef des troupes américaines en Afrique (Africom), le major-général Darryl Williams, qui doit diriger les opérations depuis un nouveau quartier général établi à Monrovia. Une base de transit pour l’aide humanitaire doit aussi être créée à Dakar au Sénégal.

Les Américains ne cherchent pas à endiguer l’épidémie à court terme : les troupes mobilisées n’ont pas pour mission de participer directement au traitement et à la détection des malades. Elles doivent surtout renforcer la logistique, construire des centres de traitement et former des agents médicaux (jusqu’à 500 par semaine).

Peu de pays avaient la capacité de mobiliser de telles ressources. L’ONG Médecins sans frontières (MSF), débordée par la propagation du virus, appelle tous les États qui le peuvent à s’investir directement. D’après Ellen Johnson Sirleaf dans un entretien au New York Times, l’ONG aurait d’ailleurs refusé une aide plus conséquente à ce pays, lui conseillant de faire appel aux États-Unis plutôt qu’à une organisation "française".

"Menace pour la sécurité globale"

Les États-Unis et le Liberia entretiennent des liens historiques, depuis la fondation du Liberia par des esclaves affranchis en 1822. "Aujourd’hui, c’est surtout la présidente qui l’incarne, décrypte Stephen Ellis, chercheur au Centre d’études africaines de Leiden aux Pays-Bas. Elle entretient des relations personnelles avec des personnalités influentes à Washington, comme l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton, ou encore le financier George Soros".

Mais au-delà de l’aide à un allié en détresse, les États-Unis font désormais l’analyse que la situation "menace potentiellement la sécurité globale", ainsi que l’a affirmé Obama. "L’appel de Sirleaf a pu jouer un rôle, explique Rodney Ford, porte-parole du Bureau des affaires africaines du département d’État. Mais cela fait des mois que nous suivons l’évolution de l’épidémie attentivement".

Les agences de renseignement américaines planchent depuis longtemps sur les conséquences que pourraient avoir une grave pandémie. En décembre 2012, le National intelligence council publiait par exemple un document prospectif détaillant – entre autres – ce scénario catastrophe. "Le système de gouvernance mondiale est incapable de traiter une pandémie étendue qui déclenche la panique. Les pays riches se barricadent contre de nombreux pays pauvres et en développement […] En perturbant les voyages internationaux et les échanges, la grave pandémie donne un coup d’arrêt" à la mondialisation. C’est cela que Washington s’emploie aujourd’hui à éviter.

Les communistes cubains préfèrent le Sierra Leone

L’annonce a été reléguée au second plan par le discours de Barack Obama, mais c’est bien Cuba qui a dégainé le premier. Dès le 12 septembre, La Havane a annoncé l’arrivée de 165 professionnels médicaux (dont 62 médecins) en Afrique de l’Ouest début octobre. Cuba, qui a joué un rôle important sur le continent pendant la guerre froide en soutenant les rébellions marxistes (en Angola et au Zaïre, notamment) met désormais en avant sa "diplomatie médicale".

Parmi les bataillons de médecins formés à Cuba, 50 000 seraient envoyés en mission à l’étranger selon La Havane. De son côté, Pékin a annoncé l’envoi d’un laboratoire mobile assorti d’une équipe de 59 personnes qui rejoindront les 115 experts médicaux chinois déjà présents sur place. Envoyées au Sierra-Leone, les équipes des deux pays communistes ne devraient pas croiser les militaires américains en partance pour le Liberia.

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Par Pierre Boisselet
24092014
Jeuneafrique

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