Sénégal : Procès Karim Wade : Bibo Bourgi a quitté le Sénégal pour se faire soigner en France
le 01/10/2014 17:29:45
Sénégal

Image redimensionnéeApres 20 mois d'atermoiements, la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI) a finalement autorisé Bibo Bourgi, personnage central du procès de Karim Wade, à quitter le Sénégal pour recevoir des soins en France. Celui-ci a pris un avion dans la soirée.

Voilà plus d'un an et demi qu'il attendait ça. Depuis le début de l'année 2013, les avocats de l'homme d'affaires franco-libano-sénégalais Ibrahim Aboukhalil (surnommé Bibo Bourgi) ont déposé de multiples requêtes pour permettre à leur client, considéré par la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI) comme le principal complice de Karim Wade, de se rendre en France pour y recevoir les soins appropriés, malgré un contrôle judiciaire qui lui interdit de quitter le territoire sénégalais. En dépit des nombreuses attestations et expertises médicales produites à l'appui de ces requêtes – certaines émanant de médecins experts mandatés par la CREI –, les magistrats avaient jusque-là rejeté la perspective de voir Bibo Bourgi, suspecté d'être l'homme de paille de Karim Wade, quitter le Sénégal.

Jusqu'à ce mardi 30 septembre. Saisis trois semaines plus tôt d'une nouvelle demande, les magistrats de la CREI ont rendu dans la matinée une décision permettant à l'intéressé de se rendre en France pour une durée d'un mois. Comme garantie de voir le prévenu regagner Dakar pour y être jugé, une attestation sur l'honneur qu'il se présentera devant la CREI à la date fixée par celle-ci. Le soir même, Bibo Bourgi embarquait sur un un vol de la compagnie SN Brussels. Selon nos informations, il devrait ensuite rallier Paris, où il est suivi depuis plusieurs années pour des problèmes cardiaques.

Maladie nosocomiale

Feuilleton médical au sein du feuilleton judiciaire de l'affaire Karim Wade, le cas de Bibo Bourgi était devenu un véritable casse-tête pour la CREI. D'un côté, l'état de santé de l'intéressé plaidait objectivement pour une évacuation médicale. Souffrant d'une cardiopathie sérieuse, l'homme d'affaires avait vu sa situation se détériorer au cours des derniers mois en raison de complications rénales et d'une maladie nosocomiale contractée fin juin à l'hôpital de Grand-Yoff, à Dakar, suite à une opération qu'il avait été contraint de subir au Sénégal faute d'être autorisé à quitter le pays.

Selon la totalité des médecins interrogés, Bibo Bourgi ne pouvait recevoir au Sénégal les soins adaptés, ce qui plaidait pour son évacuation sanitaire. Une urgence humanitaire soutenue par l'ambassade de France à Dakar et même par le président Macky Sall, qui, en mai dernier, avait mandaté son ministre de la Justice, Sidiki Kaba, pour faire savoir aux magistrats de la CREI que la Chancellerie ne s'opposait pas à cette évacuation.

Mais pour les magistrats, la crainte de voir Bibo Bourgi se dérober semblait jusque-là contredire la logique humanitaire. Détenteur de la nationalité française – un pays qui n'extrade pas ses ressortissants –, Bibo Bourgi ne risquait-il pas de se soustraire à la procédure ? "La Cour prend ses responsabilités, avait déclaré à l'audience le président Henri Grégoire Diop. On peut nous traiter d’assassins, nous assumons." Une posture à haut risque, qui avait indigné plusieurs ONG sénégalaise de défense des droits de l'homme. "Il tient à assister à ce procès, affirme Me Moïse Ndior, l'un de ses avocats. Depuis l'enquête préliminaire, il n'a jamais fui ses responsabilités. Devant la commission d'instruction, il a été entendu pendant 40 heures, dont une audition qui a duré à elle seule 14 heures d'affilée."

Le silence de Karim Wade

Jusque-là, les magistrats étaient pourtant restés inflexibles. Le 31 juillet, jour de l'ouverture du procès, Bibo Bourgi, hospitalisé à la clinique du Cap, avait été amené manu militari à l'audience en fauteuil roulant, avec ses perfusions. Livide, il s'était avéré incapable de répondre aux questions et avait été provisoirement dispensé de se présenter. Le 12 septembre, les magistrats de la CREI, accompagnés par les représentants du Parquet spécial et les avocats de l'intéressé, avaient tenté de l'entendre dans sa clinique. Là encore, la tentative avait tourné court, en raison de son état de faiblesse. Karim Wade lui-même, qui refuse de répondre aux questions sur le fond du dossier tant que son présumé complice ne sera pas en état de comparaître dans de bonnes conditions, assurait récemment aux magistrats qu'il était prêt à demeurer incarcéré le temps qu'il faudrait en attendant la présence au procès de Bibo.

Ajournées en raison des fêtes de la Tabaski, les audiences devant la CREI doivent reprendre le 13 octobre. "Il serait préférable que le procès soit renvoyé jusqu'à son retour de France, mais la Cour est souveraine pour en décider”, estime Me Moïse Ndior."

Par Mehdi Ba, Ă  Dakar
01102014
Jeuneafrique

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