Le jugement de l'ancien golden boy algérien Rafik Khalifa, surnommé le "Bill Gates africain" et accusé d'avoir détourné des millions d'euros lors de la faillite de son groupe, est attendu mardi matin à Nanterre.
Le parquet a requis trois ans de prison à l'encontre de l'ancien magnat à la réussite fulgurante et à la déconfiture tout aussi soudaine. Écroué à Londres depuis 2007, il a été extradé vers Alger le 24 décembre 2013 et est jugé par défaut, n'ayant pas assisté aux débats.
Dix autres personnes étaient poursuivies, son ex-femme, un notaire, d'anciens représentants de l'entreprise en France ainsi qu'un constructeur et équipementier aéronautique.
Ils comparaissaient pour avoir, au moment de la chute du groupe, dissimulé un certain nombre d'actifs, notamment trois avions d'une valeur de 5,5 millions d'euros, une douzaine de voitures de luxe et un domaine sur la Côte d'Azur de 35 millions d'euros, où le golden boy organisait de somptueuses réceptions avec des célébrités comme Gérard Depardieu, Catherine Deneuve, Sting ou encore Bono.
Les débats, en juin devant le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine), ont mis en évidence le train de vie fastueux de "Rafik le flamboyant" et de certains de ses proches aux frais des sociétés du groupe. Symbole de cette démesure, la propriété Bagatelle à Cannes, trois somptueuses villas de 5. 000 m2 au total, deux piscines extérieures, des bassins, des cascades, des jacuzzis, des piscines intérieures.
"Dans quel contexte cet homme a pu constituer un tel empire ?", une question posée par la présidente de la XIVe chambre, Fabienne Siredey-Garnier et qui reste après le procès de Nanterre sans réponse, même si des hypothèses se dessinent.
Rafik Khalifa, 48 ans, débute en reprenant la pharmacie de son père, l'un des fondateurs de la police politique algérienne reconverti dans les affaires. En 1992, alors que le conflit qui oppose le gouvernement au Front islamique du salut (FIS) fait rage, il se lance dans la fabrication de médicaments génériques.
- 'Trop encombrant' -
En 1998, la pièce majeure de son futur empire, Khalifa Bank, est montée en à peine neuf mois. Les taux d'intérêt extrêmement avantageux qu'elle propose attirent des centaines de milliers de personnes, ce qui permet au groupe de se diversifier. Une multitude de sociétés sont lancées en Algérie, en France, au Royaume-uni et en Allemagne notamment, dans la banque, la construction, l'aéronautique et l'audiovisuel.
Pour Fabienne Siredey-Garnier, son ascension a "peut-être été aidée par le clan des généraux". "On se demande aussi s'il n'a pas détourné l'argent des déposants pour financer ses sociétés; n'oublions pas que sa mise de départ était confortable, mais certainement pas considérable", souligne Elisabeth Maisondieu-Camus, une avocate des parties civiles.
Au faîte de sa gloire, le groupe Khalifa, sponsor de l'équipe de football Olympique de Marseille, était présenté comme la nouvelle vitrine du régime algérien, qui sortait d'une décennie de guerre civile pour s'ouvrir à l'économie de marché. "Il se sentait l'Algérie à lui tout seul", résume Me Jean-Yves Le Borgne, l'un des avocats de la défense.
Mais, en novembre 2002, les opérations de la banque sont gelées à la suite de malversations décelées par Alger et, début 2003, le groupe est placé en liquidation.
Pour l'un de ses proches qui assistait aux débats, "il était devenu trop encombrant pour le régime et il a choisi le mauvais cheval" en soutenant Ali Benflis contre Abdelaziz Bouteflika pour la présidentielle de 2004.
L'homme d'affaires, qui n'était pas représenté à Nanterre, n'a été qu'une "marionnette devenue gênante", estime Me Jean-Yves Le Borgne, qui évoque d'éventuels "transferts en France, par l'entremise du groupe Khalifa, de certaines fortunes d'origine inconnue".
L'effondrement de cet empire a causé un préjudice estimé entre 1,5 et 5 milliards de dollars à l'État algérien et aux épargnants. 07102014 Jeuneafrique
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