Les proches des lycéennes enlevées au Nigeria osaient à peine exprimer samedi leur joie de les voir bientôt libres, au lendemain de l'annonce d'un accord de cessez-le-feu avec le groupe islamiste armé Boko Haram.
Ce cessez-le-feu annoncé par les autorités nigérianes prévoit bien la libération de plus de 200 lycéennes enlevées il y a six mois par le groupe islamiste armé, "en échange de la libération "de certains partisans de ce groupe détenus dans les prisons nigérianes", selon le ministère des Affaires étrangères tchadien, dont le pays a joué le rôle de médiateur.
219 adolescentes sont toujours portées disparues depuis leur enlèvement le 14 avril dernier dans leur lycée de Chibok, dans le nord-est du Nigeria. Ce kidnapping avait provoqué l'indignation internationale et un déferlement de bons sentiments, surtout lorsque le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, avait menacé de marier les captives de force et de les traiter en esclaves.
"Chibok était à la fête hier, les gens se sont agités, ils ont sauté de joie quand ils ont entendu la nouvelle à la radio", a raconté à l'AFP Enoch Mark, père et oncle de trois des jeunes filles kidnappées. Mais l'absence de commentaire de la part du chef de Boko Haram, et les déclarations contradictoires faites par les différents services du gouvernement nigérian par le passé laissaient les proches des lycéennes dubitatifs.
"Nous espérons ne pas être déçus, parce que nous avons quelques doutes", tempérait M. Mark. "C'est ce que nous espérions entendre depuis six mois", commentait Ayuba Chibok, tante d'une des lycéennes. "Je prie pour que les deux parties respectent l'accord de cessez-le-feu". L'accord a été annoncé vendredi par le chef d'état-major de l'armée et le premier secrétaire de la présidence nigériane. Mais le porte-parole des services de sécurité nigérians, Mark Omeri, a affirmé qu'aucun accord n'avait encore été conclu pour la libération des lycéennes.
A Washington, l'annonce d'un cessez-le-feu entre le Nigeria et le groupe islamiste armé Boko Haram a aussi été accueilli avec la plus grande prudence. Certains avaient émis des doutes sur un accord entre Abuja et Boko Haram, survenant juste au moment où le président nigérian Goodluck Jonathan est censé annoncer sa candidature à sa propre succession, en février prochain, et alors que les questions de sécurité sont au coeur du débat politique.
Pourparlers au Tchad
Le premier secrétaire de la présidence, Hassan Tukur, a affirmé avoir représenté le gouvernement nigérian lors de deux rencontres avec les insurgés islamistes au Tchad, sous la médiation du président tchadien Idriss Deby, et avoir obtenu la libération des lycéennes de Chibok. Une source tchadienne a indiqué qu'un accord semblable était à l'origine de la libération de 27 otages, dont 10 Chinois, enlevés cette année dans le nord du Cameroun.
Leur libération la semaine dernière était "un signal fort" de la bonne foi de Boko Haram, assurait cette même source, sans mentionner le cas des lycéennes. Les dirigeants de la campagne de mobilisation internationale #Bringbackourgirls, qui avait mis le gouvernement nigérian sous pression, ont accueilli cette nouvelle avec grande prudence.
"Nous restons très prudents car notre optimisme ne s'est pas concrétisé à de nombreuses reprises", a déclaré samedi Obi Ezekwesili, une ancienne ministre de l'éducation, à la télévision nigériane. "Mais nous gardons bon espoir", a-t-elle assuré. Par ailleurs, le ministère camerounais de la Défense a annoncé vendredi soir que huit militaires camerounais et 107 membres de Boko Haram avaient été tués lors d'intenses combats mercredi et jeudi dans l'Extrême-Nord Cameroun, près de la frontière avec le Nigeria.
Divergences
Une zone d'ombre plane aussi sur Danladi Ahmadu, celui que M. Tukur présente comme son interlocuteur au sein de Boko Haram, inconnu de tous. Danladi Ahmadu a donné une interview au service en haoussa de la Voix de l'Amérique, vendredi matin, dans laquelle il s'est présenté comme "chef de la sécurité" du groupe islamiste, en charge de la communication.
Il n'a pas parlé de cessez-le-feu et il a été très vague sur le contenu des pourparlers avec les autorités nigérianes. Il a même prétendu ne jamais avoir rencontré Shekau. Dans une série de messages vidéo publiés depuis 2012, Shekau a toujours nié la tenue de pourparlers avec le gouvernement et il a toujours affirmé que le nord du Nigeria, majoritairement musulman, ne vivrait en paix que le jour où la charia (loi islamique) y serait strictement appliquée.
Le gouvernement et l'armée nigérians ont déjà annoncé à plusieurs reprises la fin de l'insurrection armée qui a fait plus de 10.000 morts dans le pays ces cinq dernières années. 19102014 Jeuneafrique
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