Les électeurs tunisiens se rendent aux urnes, dimanche, pour les législatives. Un scrutin crucial pusique les élus auront auront pour tâche de mettre en oeuvre la Constitution.
"Inchallah, on gagne". Paradoxalement cette électrice qui vient de voter pour un parti de gauche à Tunis, sollicite la protection divine pour l’issue d’un scrutin législatif décisif pour le pays. Elle n’est pas la seule à craindre que les élections ne soient pas transparentes comme s’y était engagé le gouvernement. Hier, le silence électoral n’a pas empêché la dénonciation à grande échelle des dysfonctionnements patents du vote des Tunisiens à l’étranger. Cette défaillance au niveau du registre des électeurs qui n’a été que partiellement transmis selon les observateurs d’Atide, a semé le trouble dans les esprits et augmenté les craintes de fraude.
Toute la journée du 24 octobre mais aussi une grande partie de la nuit, les réseaux sociaux se faisaient l’écho d’électeurs qui n’ont pu voter : "en Italie près de 75 % de ceux qui se sont présentés n’ont pu voter en raison de listes d’électeurs incomplètes ou d’erreur de répartition des bureaux de vote", explique Wejdane Mejri, observatrice des élections dans la péninsule pour l’association Pontes. Un état de faits qui prend des proportions de scandale, et qui pointe des incompétences au sein de l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie), semble avoir motivé les Tunisiens à se rendre aux urnes d’autant que le taux de participation à l’étranger n’a été que de 18 % selon l’Iisie.
Au petit matin, les files d’attentes étaient assez spectaculaires ; "à la même heure nous étions 10 fois moins nombreux qu’en 2011", assure un retraité. Mais le phénomène semble être circonscrit à des quartiers de nantis ou de classe moyenne ; ailleurs, les bureaux ne font pas le plein. À Hay Ettadhamen, l’une des zones populaires les plus peuplées de la périphérie de Tunis, l’opération de vote ne prend que quelques minutes contre quelques heures d’attente voilà 3 ans. Le périmètre autour des écoles primaires où se déroule le scrutin est sous haute sécurité, plus de 80 000 représentants des forces de l’ordre ont été déployés sur tout le pays pour parer à des incidents ou d’éventuelles, mais très improbables, attaques d’extrémistes.
Scrutin morose
Dans tous les cas, l’euphorie et la joie de 2011 ne sont pas au rendez-vous, l’atmosphère est à la retenue, les visages sont graves comme si le cœur n’y était pas. "Je vote pour dire non à une vision rétrograde mais je ne fais confiance à aucun homme politique, c’est une démarche par élimination", précise un instituteur à la Cité El Ghrazela. Comme lui, beaucoup choisissent un vote qu’ils considèrent comme utile sans vraiment en mesurer les conséquences. Ils tentent d’élire Nidaa Tounes, parti faisant front aux islamistes, mais risquent d’affaiblir la présence des autres partis modernistes au sein de l’assemblée.
Pourtant l’enjeu est essentiel : les élus mettront en œuvre la Constitution et adopteront les lois y afférent. L’étape est plus importante que la transition qui se finit et dont l’objectif était de poser les bases constitutionnelles d’un régime démocratique. Les choses auraient été plus simples si les partis, malgré l’avis des électeurs, ne s’étaient entêtés à se présenter en rangs dispersés au risque d’éparpiller des voix précieuses. "Trop de partis sans réels projets, trop de discours et une situation qui se dégrade ; je donne quand même une autre chance à Ennahdha, les islamistes ont été critiqués mais personne n’a écouté leur appel à l’union nationale", assène Raja, un agent de la santé publique. Finalement la question n’est pas de savoir qui de Nidaa Tounes ou Ennahdha va l’emporter mais quel sera leur écart et quel poids auront les autres formations susceptibles de devenir des alliés. 26102014 Jeuneafrique
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