Les femmes et les jeunes filles enlevées par Boko Haram au Nigeria sont utilisées "en première ligne" lors des combats menés par le groupe islamiste, dénonce Human Rights Watch (HRW) lundi dans un nouveau rapport.
L'organisation de défense des droits de l'homme, qui compile plusieurs dizaines de témoignages d'ex-otages, fait état des nombreuses séquelles physiques et psychologiques dont souffrent celles qui sont libérées.
Ce rapport intervient au moment où trente adolescents, garçons et filles, dont les plus jeunes ont 11 ans, ont été enlevés, ce weekend, dans l'Etat de Borno, épicentre de l'insurrection islamiste, dans le Nord-Est. La semaine précédente, soixante autres filles et jeunes femmes ont été enlevées à Wagga et Gwarta, deux autres villes du sud de cet Etat.
Ces deux enlèvements ont jeté de nouveaux doutes sur l'accord de cessez-le-feu que les autorités nigérianes ont annoncé avoir conclu, mi-octobre, avec Boko Haram, et qui prévoyait notamment la libération des 219 lycéennes enlevées à Chibok en avril et toujours aux mains des islamistes.
Dans le rapport de HRW, une jeune fille de 19 ans retenue trois mois en otage par Boko Haram l'année dernière dit avoir été forcée de participer à des attaques islamistes.
"On m'a demandé de porter les munitions et de m'allonger dans l'herbe pendant qu'ils se battaient. Ils venaient s'approvisionner en munitions, au cours de la journée, alors que les combats se poursuivaient" a-t-elle raconté.
"Quand les forces de sécurité sont arrivées sur place et qu'elles se sont mises à nous tirer dessus, je suis tombée par terre, de peur. Les insurgés m'ont alors trainée sur le sol, en s'enfuyant vers le camp".
L'ex-otage raconte avoir aussi reçu l'ordre d'égorger un des membres d'une milice privée capturé par Boko Haram, à l'aide d'un couteau.
"Je tremblais, horrifiée, et je n'ai pas pu le faire. La femme du chef du camp a alors pris le couteau et elle l'a tué", poursuit-elle.
Une série d'attentats-suicides ont été menés par des femmes, parfois très jeunes, plus tôt cette année, et certains s'étaient demandé si ces femmes pouvaient être des otages de Boko Haram.
Rien ne permet cependant de prouver, pour l'instant, que les femmes-martyrs Ă©taient des otages et non des combattantes volontaires.
En juillet, une petite fille de 10 ans avait aussi été arrêtée dans l'Etat de Katsina, dans le nord-ouest du Nigeria, avec une ceinture d'explosifs autour de la taille.
- Mariages forcés et conversion à l'islam -
Au total, 30 femmes et jeunes filles ont été entendues par HRW entre avril 2013 et avril 2014, dont 12 des 57 lycéennes de Chibok ayant réussi à échapper à leurs ravisseurs.
Les ex-otages, qui ont passé entre deux jours et trois mois aux mains de leurs ravisseurs, ont dit avoir été emmenées dans huit camps différents, dans l'épaisse forêt de Sambisa, dans l'Etat de Borno, et dans les montagnes de Gwoza --frontière naturelle entre le Nigeria et le Cameroun.
Selon HRW, plus de 500 femmes et jeunes filles ont été enlevées depuis le début de l'insurrection en 2009 --une estimation basse par rapport à d'autres chiffres publiés.
Elles disent avoir cohabité avec de nombreuses autres personnes de sexe féminin âgées de zéro à 65 ans, mais ignorer si elles étaient toutes otages.
Une des ex-otages de Chibok dit avoir été forcée à cuisiner et à nettoyer pour d'autres femmes qui avaient droit à un traitement de faveur "à cause de leur beauté".
D'autres témoignages, plus durs, évoquent des viols et des violences physiques. Une femme raconte avoir été menacée de mort, une corde autour du cou, jusqu'à ce qu'elle accepte de se convertir à l'islam.
Une autre jeune fille, âgée de 15 ans, raconte que quand elle s'est plaint d'être trop jeune pour se marier, un des commandants lui a rétorqué que sa fille de cinq ans avait été mariée l'année précédente.
Les ex-otages sont livrées à elles-mêmes avec de graves traumatismes psychologiques, sans soutien ni protection de la part des autorités nigérianes, et vivent dans la peur d'être à nouveau kidnappées, dans une région en proie à des attaques islamistes quotidiennes, déplore le rapport. 27102014 Jeuneafrique
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