François, le frère, la belle-mère de ce dernier, Alizéta Ouédraogo, et quelques autres membres du clan Campaoré cristallisent à eux seuls toutes les crispations d'une population excédée.
Avant, on accélérait le pas ici. On passait la tête baissée, et c'est tout juste si l'on osait jeter un oeil quand le portail s'ouvrait. Parfois même, on traversait la route pour ne pas avoir à longer le mur de l'enceinte. C'était absurde peut-être, mais c'était ainsi : cette maison, et surtout son propriétaire, faisait peur.
Aujourd'hui, le labyrinthe qui servait de château à François Compaoré - une succession de pièces donnant sur d'autres pièces situées à cinq minutes du Conseil de l'entente, là où le frère du président avait installé son bureau, et plus près encore du stade d'entraînement de son club de coeur, l'Étoile filante de Ouagadougou (EFO) - est devenu l'un des lieux les plus fréquentés de la capitale. On s'y presse comme pour se convaincre que oui, l'insurrection a eu raison du clan Compaoré.
Pour la plupart, c'est un pèlerinage que d'y pénétrer. Une sorte d'exorcisme. "Longtemps, j'ai regardé cette maison comme le symbole du régime Compaoré, explique Ousseni, 26 ans, l'oeil rivé sur la piscine située au premier étage. C'était la cité interdite, la citadelle imprenable." Pour d'autres, c'est un business. On vient y chercher ce que les pillards du premier jour n'ont pas emporté ou détruit dans leur furie.
Le carrelage, les lustres, les câbles. Mais aussi des documents que l'on retrouvera plus tard à chaque carrefour de la ville. Le "dossier complet", c'est 1 000 F CFA (1,50 euro) : des lettres manuscrites, des PV d'auditions, et des photos montrant un crâne ou encore une femme penchée sur un corps, et dont le vendeur assure qu'il s'agit de celui d'un albinos.
Des photos montrant un crâne...
Le 30 octobre, des dizaines de maisons de dignitaires du régime ont été pillées et incendiées à Ouagadougou et dans plusieurs villes du pays. Celles, entre autres, d'Alizéta Ouédraogo, "la belle-mère nationale", d'Assimi Kouanda, le patron du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), d'Alain Édouard Traoré, l'ex-ministre de la Communication... Mais aucune n'est devenue ce qu'est aujourd'hui celle de François Compaoré : le musée de toutes les horreurs.
Depuis des jours, les visiteurs fouillent chaque interstice des murs en pensant y trouver la preuve que "Monsieur Frère", son épouse et sa belle-mère y pratiquaient des sacrifices humains. Auscultent chaque fosse comme s'ils allaient marcher sur un tas d'ossements - ou, qui sait ?, sur une valise de billets. Descendent dans la cave un mouchoir sur le nez, croyant devoir y subir l'odeur pestilentielle d'un corps en décomposition.
Le phénomène a pris une telle ampleur qu'un communiqué attribué à François Compaoré a été publié pour démentir les allégations "imaginaires et délirantes" de "prétendues pratiques inhumaines". Le crâne retrouvé chez lui, dont la photo circule dans tout Ouaga, ne serait rien d'autre qu'une "oeuvre de mise en scène d'art plastique" créée par sa fille lorsqu'elle était au lycée.
C'est fort probable, mais cela n'y changera rien. Pour la plupart des Burkinabè, le frère cadet du président déchu, qui fut son conseiller économique pendant plus de deux décennies, et que l'on a même, un temps, présenté comme le dauphin de "Blaise", est le symbole des dérives du régime. Comme l'explique Marguerite, 33 ans, croisée au fond du jardin en quête d'on ne sait quoi, "c'est pas après Blaise qu'on en avait, c'est après François".
Pour elle comme pour beaucoup d'autres, y compris au sein du CDP, cela ne fait aucun doute : "C'est à cause de François et d'Alizéta que Blaise a tenté de rester au pouvoir." 15112014 Jeuneafrique
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