"Je reçois cette charge avec beaucoup d'honneur mais aussi avec beaucoup d'humilité, l'humilité de quelqu'un qui n'est là que pour une période transitoire", a déclaré M. Kafando dans un bref discours lors de sa cérémonie d'investiture.
L'exercice du pouvoir "ne doit souffrir d'aucun abus, aucun excès", a-t-il rappelé, le ton grave, en claire référence aux 27 années de règne du président Blaise Compaoré.
Le président Compaoré a été chassé par la rue le 31 octobre après avoir tenté de réviser la Constitution afin de se maintenir au pouvoir. Les dérives de son clan et la corruption engendrée ont alimenté le ressentiment populaire.
"Notre pays ne saurait être une république bananière", a lancé Michel Kafando, 72 ans, devant plusieurs centaines de personnes, réunies dans la salle des Banquets de Ouaga 2000, un quartier aisé de la capitale où se situe la présidence.
Main droite levée, M. Kafando a juré de "préserver", "respecter", "faire respecter" et "défendre" la Constitution, la charte de transition - qui définit les institutions intérimaires - et la loi, et de "tout mettre en oeuvre pour garantir la justice".
Il s'est adressé au neuf "sages" du Conseil constitutionnel, présents à ses côtés, et qui ont validé publiquement sa nomination décidée lundi par un collège de désignation auquel participaient civils et militaires.
M. Kafando nommera mercredi le lieutenant-colonel Isaac Zida, qui avait pris le pouvoir peu après la fuite de M. Compaoré vers la Côte d'Ivoire, comme nouveau Premier ministre conformément à un accord conclu entre l'armée et les civils, a affirmé mardi un officier qui lui est proche.
"On a négocié le poste de Premier ministre. Tout le monde est d'accord. On a convenu qu'on laisse le législatif pour entrer dans l'exécutif à travers le Premier ministre", a affirmé à l'AFP cet officier proche de l'actuel homme fort du pays, qui doit transmettre symboliquement ses pouvoirs à M. Kafando lors d'une cérémonie vendredi.
Isaac Zida était présent au premier rang mardi, vêtu de son uniforme et portant le béret rouge de la garde présidentielle, dont il est le numéro deux.
Son torse était ceint d'une écharpe aux couleurs du Burkina, après qu'il eut été décoré plus tôt dans la matinée de l'ordre de la Grande croix, la plus haute distinction du pays, accordée uniquement aux chefs d'Etat.
- Le test du Premier ministre -
Les deux hommes se sont donnés l'accolade après le discours de M. Kafando. Le lt-colonel Zida transmettra symboliquement le pouvoir à son successeur vendredi lors d'une cérémonie de passation, à laquelle assisteront au moins six chefs d'Etat (Ghana, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Togo), selon le chef du protocole de l'armée.
Selon un décret reçu mardi soir par l'AFP, Issac Zida a dissous mardi les conseils municipaux et régionaux burkinabè, une mesure qui intervient après le limogeage de deux grands patrons proches de François Compaoré.
M. Kafando et les nouvelles autorités auront la charge d'organiser des élections générales d'ici novembre 2015. Selon la charte de transition, il ne pourra pas lui-même se présenter au scrutin présidentiel.
Figure de la diplomatie nationale, Michel Kafando, 72 ans, a été ambassadeur de Haute-Volta (l'ancien nom du pays) puis du Burkina Faso auprès des Nations unies, respectivement en 1981-1982 et 1998-2011.
Il a également été ministre des Affaires étrangères dans plusieurs gouvernements entre 1982 et 1983.
Homme réservé, de grande taille et aux cheveux légèrement grisonnants, M. Kafando est peu connu de ses concitoyens, dont certains lui reprochent d'être trop proche de l'ancien régime. D'autres l'accusent à l'inverse d'avoir été hostile au défunt président Thomas Sankara, icône du panafricanisme assassiné en 1987 lors du coup d'Etat qui porta Blaise Compaoré au pouvoir, et dont le souvenir a inspiré de nombreux jeunes lors des dernières manifestations.
"A partir de la douloureuse expérience que nous venons de vivre, (. . . ) nous avons les yeux ouverts, la jeunesse burkinabè a les yeux ouverts, les femmes burkinabè ont les yeux ouverts et plus rien ne sera comme avant s'agissant du respect scrupuleux de l'ordonnancement politico-juridique de notre pays", a assuré le chef de la transition.
La transition militaire aura donc duré à peine trois courtes semaines au Burkina Faso, quand nombre de Burkinabè craignaient un coup d'Etat de l'armée son maintien au pouvoir.
La France, ancienne puissance coloniale et premier soutien international du "pays des hommes intègres", se tient "aux côtés du Burkina Faso durant cette période clé de son histoire", a souligné lundi le chef de l'Etat François Hollande, qui a félicité Michel Kafando.
L'Union africaine - qui avait lancé un ultimatum le 3 novembre au régime militaire, lui demandant de valider sous quinze jours ses institutions de transition et de choisir un président intérimaire - a salué le choix d'une "personnalité civile" comme chef intérimaire, signe de la "maturité politique" des Burkinabè.
La Cédéao, l'union économique ouest-africaine, a également félicité leur "sens des responsabilités".
"Cette transition démocratique est globalement remarquable et peut servir d'exemple à d'autres pays", soulignait Philippe Hugon, un chercheur français. 19112014 Jeuneafrique
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