La bataille pour le second tour de la présidentielle s'est déjà engagée en Tunisie entre le président sortant Moncef Marzouki et le vainqueur des législatives Béji Caïd Essebsi, même si le pays attend toujours les résultats officiels du premier tour.
Peu après la fermeture des bureaux de vote dimanche, l'équipe de campagne de M. Caïd Essebsi, chef du parti anti-islamiste Nidaa Tounès, a annoncé que ce dernier était "le premier de la course et avec un écart important".
L'ex-Premier ministre, favori de cette première élection présidentielle libre de l'histoire de la Tunisie, a obtenu "pas très loin de 50%" des suffrages, selon Mohsen Marzouk, son directeur de campagne, d'après qui un second tour est donc "probable".
Des estimations aussitôt contestées par l'équipe de M. Marzouki qui, tout en confirmant la présence des deux rivaux au second tour, a fait état d'un écart beaucoup plus réduit, voire d'une avance du président sortant.
"Dans le pire des cas nous sommes à égalité, et dans le meilleur des cas nous avons 2 à 4% d'avance", a déclaré le directeur de campagne de M. Marzouki, Adnène Mancer.
L'instance chargée d'organiser les élections, l'ISIE, a jusqu'à mercredi pour communiquer les résultats du premier tour. Elle a pour l'instant fourni les chiffres de la participation qui s'est élevée à 64,6% des inscrits (hors circonscriptions à l'étranger), ce que son président Chafik Sarsar a jugé "honorable".
Des sondages réalisés à la sortie des bureaux de vote placent le chef de Nidaa Tounès largement en tête face à M. Marzouki, des données qui ont été relayées par les médias tunisiens malgré une interdiction de les publier.
M. Mancer a estimé que ces estimations étaient une tentative d'"influencer" les observateurs, mettant même en garde contre de possibles fraudes. "Nos observateurs ne doivent quitter les urnes qu'après la fin de l'opération de dépouillement parce que nous nous attendons (. . . ) à ce qu'une opération de vraie fraude commence", a-t-il averti.
- "Ancien régime" contre "démocrates" -
M. Marzouki a tenu un discours plus apaisé dimanche soir, appelant à la tenue pour le second tour d'un "débat élevé sur des programmes, des idées, des valeurs, et pas sur des insultes", et exhortant les "démocrates" à voter pour lui pour contrer M. Essebsi.
"Je m?adresse maintenant à toutes les forces démocratiques (. . . ) avec qui j?ai lutté ces 30 dernières années pour un vrai Etat démocratique, pour rompre avec le passé, pour une vraie société civile, pour un équilibre des pouvoirs, je leur demande de s?unir autour de leur candidat. Je suis devenu leur candidat naturel", a-t-il lancé.
M. Marzouki, devenu président à la faveur d'une alliance avec les islamistes d'Ennahda, s'est posé tout au long de sa campagne comme le rempart contre l'ancien régime que représente, selon lui, M. Caïd Essebsi, 87 ans. Ce dernier a en effet servi sous le premier président tunisien Habib Bourguiba comme sous Zine El Abidine Ben Ali, renversé par une révolution le 14 janvier 2011.
Les partisans des deux rivaux, qui ne cachent pas leur aversion l'un pour l'autre, avaient échangé des accusations dans la journée de dimanche.
L'équipe de campagne de M. Marzouki a ainsi assuré que des partisans de Nidaa Tounès avaient voulu l'attaquer devant son bureau de vote, tandis que le directeur de campagne de M. Caïd Essebsi a accusé le président sortant de s'être "allié avec des salafistes jihadistes pendant sa campagne".
Selon les sondages, le troisième homme de la présidentielle est une figure de proue de la gauche, Hamma Hammami. Ce dernier a jugé dimanche soir que son score était "un message positif", en indiquant que sa formation, le Front populaire, se réunirait pour étudier une éventuelle consigne de vote pour le second tour.
Près de 5,3 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes un mois après des législatives dont le caractère démocratique a été salué par la communauté internationale. La Tunisie fait figure d'exception dans la région, l'essentiel des pays du "Printemps arabe" ayant basculé dans la répression ou le chaos.
Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a salué la présidentielle de dimanche comme "un moment historique", promettant que son pays travaillerait avec le futur gouvernement. 24112014 Jeuneafrique
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