La justice égyptienne a ordonné jeudi un nouveau procès pour trois journalistes de la chaîne qatarie Al-Jazeera, emprisonnés en Égypte depuis un an pour soutien présumé à la confrérie islamiste des Frères musulmans. Ils resteront en détention pour le moment.
Les familles de l'Australien Peter Greste, l'Egypto-canadien Mohamed Fadel Fahmy et l'Egyptien Baher Mohamed, espéraient cependant vivement une libération en raison d'un rapprochement récent entre Le Caire et Doha.
Employés par l'antenne anglophone d'Al-Jazeera, les trois journalistes avaient été arrêtés fin décembre 2013. En juin, Peter Greste et Mohamed Fadel Fahmy avaient été condamnés à sept ans de prison et Baher Mohamed avait écopé de dix ans, un verdict qui avait déclenché un tollé international.
Après une très courte audience, la cour de Cassation, la plus haute juridiction du pays, a ordonné un nouveau procès devant un autre tribunal, acceptant ainsi les demandes du parquet et des avocats de la défense, d'après l'avocat de M. Greste, Amr al-Deeb.
Mais les trois journalistes, accusés d'avoir diffusé de "fausses informations" en soutien aux Frères musulmans de Mohamed Morsi, le président islamiste destitué par l'armée en juillet 2013, resteront en détention, d'après Me al-Deeb.
"La cour de Cassation ne peut ordonner leur libération sous caution", a indiqué à l'AFP Me al-Deeb. "C'est la cour qui va les juger de nouveau qui pourra le faire", a-t-il précisé
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"Je sais que nous devrions être contents que l'appel ait été accepté, mais j'espérais la libération de mon frère", a indiqué aux journalistes Adel, le frère de M. Fahmy, immédiatement après la décision de la cour.
MM. Greste et Fahmy avaient été arrêtés en décembre 2013 dans une chambre d'hôtel transformée en bureau au Caire, où ils travaillaient -clandestinement selon l'accusation- sans l'accréditation obligatoire pour tous les médias.
L'affaire avait débuté en pleine crise entre l'Egypte et le Qatar, à couteaux tirés après l'éviction de M. Morsi par l'ex-chef de l'armée et actuel président, Abdel Fattah al-Sissi.
"Leur arrestation était une sorte de règlement de compte politique entre l'Egypte et le Qatar", selon l'avocat de M. Fahmy, Negad al-Boraï.
Le Caire reprochait à Doha de soutenir les Frères musulmans, notamment via Al-Jazeera, dont les antennes arabophones ont dénoncé l'éviction de M. Morsi et la sanglante répression qui s'est abattue sur ses partisans.
Après la destitution de M. Morsi, au moins 1.400 manifestants pro-Morsi ont été tués, plus de 15.000 sympathisants ont été emprisonnés et des centaines condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs.
Familles et experts attendaient beaucoup de l'audience de jeudi, au moment où l'Egypte et le Qatar multiplient les signes de réconciliation.
Ainsi, le 20 décembre, après la visite inédite au Caire d'un émissaire de l'émir du Qatar, l'Egypte se réjouissait d'une "nouvelle ère" et Doha exprimait son "soutien total" au gouvernement de M. Sissi.
Règlement de compte "politique"
Deux jours plus tard, Al-Jazeera annonçait la fermeture surprise de son antenne égyptienne.
"J'espère que les efforts de réconciliation entre l'Egypte et le Qatar vont se poursuivre, pour l'intérêt de mon frère et de ses collègues qui payent le prix d'une telle crise politique" a affirmé Adel Fadel Fahmy.
Les parents de M. Greste, Loïs et Juris, avaient récemment exprimé "leur confiance dans l'intégrité du système d'appel en Egypte", affirmant que "la seule décision possible" était de libérer les journalistes.
Quatre co-accusés égyptiens des journalistes vont également bénéficier d'un nouveau procès. Ils ont été condamnés en juin à sept ans de prison pour appartenance aux Frères musulmans et pour avoir cherché à "nuire à l'image de l'Egypte".
Onze autres accusés dans ce même procès, dont deux journalistes britanniques et une journaliste néerlandaise, ont été condamnés à dix ans de prison par contumace.
Le procès avait mis le pouvoir égyptien dans l'embarras. Les Etats-Unis et l'ONU avaient condamné le verdict, tandis que Londres et Paris avaient convoqué les ambassadeurs d'Egypte. Washington appelle d'ailleurs toujours à la libération des journalistes.
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