L'examen du projet de loi controversé modifiant l'actuelle législation électorale en RDC a débuté lundi après-midi au Palais du peuple dans une ambiance houleuse. Une plénière sous haute tension après l'appel au rassemblement et au boycott des travaux par des partis d'opposition.
"C'est la loi de tous les enjeux et de tous les dangers", résume le député Patrick Muyaya, le benjamin de l'Assemblée nationale en RDC. Le projet de loi modifiant la loi électorale dont l'examen a commencé lundi 12 janvier à 14 heures est au cœur d'une vive controverse entre la majorité au pouvoir et plusieurs partis d'opposition. Principale pomme de discorde : l'éventuelle modification de l'article 8 de l'actuelle législation.
Dans le projet de loi déposé le 5 janvier par le gouvernement congolais, la liste électorale pour les prochaines élections en RDC "doit être actualisée en tenant compte de l'évolution des données démographiques et de l'identification de la population". Autrement dit, le recensement devient préalable à l'organisation des prochains scrutins.
"Seules les législatives et la présidentielle prévues en 2016 seront conditionnées" par le recensement, tente de relativiser Lambert Mende, porte-parole du gouvernement de la RDC, soulignant que les élections locales prévues en 2015 ne seront pas concernées par le rencensement puisqu'elles constituent des "arriérés électoraux".
Stratégie pour prolonger le mandat de Kabila ?
Pas suffisant pour rassurer certains partis d'opposition qui dénoncent une stratégie du pouvoir qui viserait à retarder le processus électoral et à prolonger de fait le mandat du président Joseph Kabila au-delà de 2016.
"C'est un projet de loi inopportun : le match a commencé le 28 novembre 2011 avec la présidentielle et les législatives, le cycle électoral doit se poursuivre notamment avec les provinciales et les sénatoriales", explique le député Martin Fayulu, coordonnateur de la plateforme de l'opposition "Sauvons la RDC". "Comment le gouvernement peut-il prétendre être capable d'organiser un recensement en moins d'une année dans un pays de plus de 2 345 000 km2, sans infrastructures, sans compétences électorales, sans moyens financiers ?", s'interroge-t-il.
Pour empêcher la tenue de la plénière prévue ce lundi, "nous nous sommes donc rassemblés avec nos militants sur le boulevard triomphal [à Kinshasa, non loin de l'Assemblée nationale, NDRL] où se trouvent la plupart de nos sièges. Mais la police a déployé ses forces pour nous disperser avec la même barbarie que lors de leur descente de la veille contre notre meeting", accuse l'opposant.
Maintien de l'ordre public
Martin Fayulu avance un bilan provisoire de "15 personnes blessées, dont deux cas graves". Plusieurs sources sur place affirment que Kudura Kasongo, ancien porte-parole du président Joseph Kabila, qui est passé depuis à l'opposition, a été blessé à la jambe. Du côté de la police, l'on dit ne vouloir que maintenir l'ordre public. Joint au téléphone par Jeune Afrique, le général Célestin Kanyama, chef de la police à Kinshasa, accuse même les partisans des partis politiques d'opposition d'avoir "barricadé les routes, brûlé des pneus, jeté des projectiles sur des policiers (…), perturbant ainsi la tranquillité de la majorité de la population". Et de justifier l'intervention de ses hommes : "La police a l'obligation de disperser tout attroupement de nature à créer le désordre."
C'est finalement au sein même de l'hémicycle que les tensions se sont importées. Les députés qui s'opposent au projet de loi ont décidé de participer tout de même à la plénière du jour, mais avec un seul objectif. "Nous sommes là pour gêner l'examen de ce texte", confie Martin Fayulu. Comment comptent-ils s'y prendre ? "Notamment par des motions. Mais pas seulement", se contente d'avancer Juvénal Munubo, élu de l'Union pour la nation congolaise (UNC).
Kinshasa retient son souffle. En attendant, Vital Kamerhe et certains chefs de l'opposition étaient toujours encerclés lundi après midi par la police au siège de l'interfédéral de l'UNC dans la capitale congolaise. Pas loin du Palais du peuple où se tient l'examen du projet de loi controversé, et où des sifflets ont commencé à se faire entendre. Des députés de la majorité au pouvoir ont été convoqués dimanche (11 janvier) à l'hôtel Vénus où on leur a enjoint de voter aujourd'hui le projet de loi. Selon un notable local présent à la réunion, on leur aurait également promis une récompense financière.
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