L'armée tchadienne poursuivait lundi son déploiement face à "l'ennemi" Boko Haram dans le nord du Cameroun, où le gouvernement a appelé à une nécessaire coordination contre les islamistes nigérians.
Le Tchad a annoncé vouloir "progresser" lundi en direction des insurgés nigérians, dont les attaques au Cameroun ont atteint un point d'orgue avec l'enlèvement de 80 personnes ce week-end.
Citant le ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary, la radio-télévision nationale camerounaise (CRTV) a annoncé la libération d'une vingtaine d'otages, sans fournir de détails.
Selon une source gouvernementale, l'armée camerounaise a traqué les combattants de Boko Haram après le rapt, les poussant à relâcher 24 personnes. Les islamistes ont pu s'enfuir vers le Nigeria voisin avec une cinquantaine d'otages.
Selon la CRTV, les villages, situés dans la zone de Mokolo, ont été rasés pendant cette attaque qui a fait trois morts dont l'identité n'a pas été communiquée, alors que "80" personnes ont été enlevées.
Le Tchad, menacé directement par Boko Haram, a déployé 400 véhicules militaires à Maltam, à l'ouest de Kousseri, près de la frontière tchadienne.
"Nous allons progresser demain (lundi) vers l'ennemi", avait déclaré à l'AFP dimanche soir le colonel tchadien dirigeant l'opération, Djerou Ibrahim.
- Financements européens -
Toutefois, le gouvernement camerounais a averti lundi après-midi qu'il ne fallait pas s'attendre à une offensive éclair, et insisté sur le besoin de coordination avec les autres pays voisins.
"Il faudrait que les états-majors militaires (des deux pays) se retrouvent, bâtissent une plateforme (et) procèdent à une distribution spatio-temporelle des troupes aussi bien camerounaises que tchadiennes. Ca nécessite du temps. Ne vous attendez pas à ce que les résultats commencent à se faire sentir demain", a souligné Issa Tchiroma Bakary sur la CRTV.
Un porte-parole de l'armée nigériane, qui n'arrive pas à stopper seule Boko Haram, a exprimé samedi un soutien conditionnel à la perspective de l'arrivée de soldats tchadiens sur son territoire: "Tout soutien à nos opérations sera bienvenu mais il doit se conformer à nos propres opérations en cours".
Très offensif, le président tchadien Idriss Deby, qui a appelé à une large coalition régionale, a clairement affiché sa volonté de reprendre la ville stratégique de Baga, située dans le nord-est du Nigeria, sur les rives du lac Tchad, tombée aux mains du groupe islamiste début janvier.
Selon Amnesty International, l'attaque de Baga est "la plus grande et la plus destructrice" jamais perpétrée par Boko Haram. L'insurrection et sa répression par les forces nigérianes ont fait plus de 13. 000 morts et 1,5 million de déplacés depuis 2009.
Le chef du Bureau régional des Nations unies pour l'Afrique centrale (Unoca), Abdoulaye Bathily, a salué lundi le déploiement tchadien, encourageant "tous les Etats du bassin du lac Tchad et ceux d'Afrique centrale à renforcer leur coopération, y compris avec le Nigeria, afin d'apporter une réponse régionale et coordonnée à ce fléau".
Le président ghanéen John Dramani Mahama, dont le pays n'est pas directement menacé par Boko Haram, a affirmé depuis Berlin que la formation d'une force régionale destinée à lutter contre Boko Haram serait d'ailleurs discutée lors du prochain sommet de l'Union africaine qui se tiendra à la fin du mois.
"L'Afrique est capable de fournir des troupes à cette force régionale, mais il est très important que nos partenaires puissent participer à travers un soutien financier", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse conjointe avec la chancelière allemande Angela Merkel.
"Nous apprécierons tout soutien logistique ou d'une autre forme que nos partenaires européens pourront nous apporter", a affirmé le président, ajoutant qu'il ne lui semblait pas nécessaire "dans l'immédiat" de déployer des troupes européennes contre Boko Haram.
De son côté, Angela Merkel a salué la proposition de son homologue ghanéen. "Nous allons donc étudier avec l'UE les possibilités d'y contribuer dans le cadre du partenariat entre l'Union européenne et l'Union africaine", a-t-elle dit. "Je crois qu'il est juste de choisir des troupes africaines pour accomplir cette tâche, mais il est de notre intérêt commun de financer durablement une telle force".
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