Nouveau rebondissement au procès de Karim Wade : tandis que le principal accusé, qui dénonce "une parodie de justice", refuse d'assister aux audiences, les avocats des différents prévenus ont confirmé, ce mardi, leur retrait du procès, qui a repris ce matin en leur absence.
Suite aux incidents survenus lors de l'audience du 14 janvier, la rupture apparaît consommée entre les avocats de la défense et les magistrats de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI), chargés de juger Karim Wade et ses complices présumés. Malgré la tentative de médiation entreprise depuis plusieurs jours par le bâtonnier de l'ordre des avocats, Me Ameth Ba, le procès se retrouve aujourd'hui orphelin.
Le principal intéressé – qui avait entamé une grève de la faim mercredi avant de l'interrompre ce week-end à la demande du khalife générale des Mourides –, a pris la décision de ne plus assister à son propre procès. Selon ses avocats, Karim Wade a pris la décision de ne plus comparaître devant la CREI, "qu’il considère comme une juridiction politique", car le procès en cours relèverait d'une "parodie de justice" et d'un "complot politico-judiciaire".
De leur côté, courroucés par l'expulsion manu militari, le 14 janvier, de leur confrère Amadou Sall, sur ordre du président Henri Grégoire Diop, et constatant l'échec de la conciliation entreprise par leur bâtonnier auprès du président de la CREI, l'ensemble des avocats de la défense ont annoncé ce mardi qu'ils se retiraient du procès. "Nous refusons de cautionner une parodie de justice, confie à Jeune Afrique Moïse Ndior, l'un des avocats d'Ibrahim Aboukhalil (alias Bibo Bourgi). Les avocats de la défense sont tout juste tolérés, mais dès que nos questions dérangent la cour, on nous coupe la parole alors que, dans le même temps, le Parquet spécial est libre d'interroger les témoins comme bon lui semble."
Communiqué au vitriol
Pour formaliser et justifier sa décision, le collectif des avocats de la défense a diffusé un communiqué au vitriol contre le président Diop (voir ci-dessous), qui se serait, selon eux, "signalé par des excès, déviances, outrances qui témoignent de ce qu'il a depuis longtemps choisi son camp". Quant aux avocats de l'État du Sénégal, ils dénoncent la crise qui couve depuis près d'une semaine, à l'instar de Me Yerim Thiam, qui voit dans le boycott de son procès par Karim Wade "un subterfuge pour échapper à la justice". À ses yeux, "l'étau se resserre" autour du principal accusé et la décision des avocats de la défense relèverait d'une stratégie destinée à "nous faire perdre du temps".
Quoi qu'il en soit, alors que ce procès-marathon s'est ouvert il y a bientôt six mois et qu'il risque de durer encore longtemps, du fait du nombre important de témoins cités à comparaître, le scénario fait pour le moins désordre. Karim Wade refuse de se présenter. Son principal complice présumé, Bibo Bourgi, n'a pas encore eu l'occasion de s'exprimer en raison de problèmes de santé. Et l'ensemble des prévenus se retrouvent aujourd'hui sans avocats. Quant à savoir ce qui pourrait convaincre les avocats de la défense de reprendre du service, aucun d'entre eux ne formule de revendication précise. Pour seule condition à leur retour, ils évoquent en effet "le respect des droits de la défense". Reste à savoir comment mesurer, en leur absence, si ce principe est respecté.
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Mehdi Ba, Ă Dakar
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