Rien ne va plus entre le président et le gouverneur du Katanga. Après avoir mis en garde Joseph Kabila contre la tentation d'un troisième mandat, Moïse Katumbi se prépare à des représailles. Cet article a été publié dans J.A. 2818 (11-17 janvier) avant les manifestations qui ont abouti au retrait du projet de réforme de la loi électorale.
La guerre n'est pas encore ouverte, mais le bras de fer est engagé entre le président congolais Joseph Kabila et l'un des hommes les plus influents de sa majorité : le gouverneur de la riche province du Katanga, Moïse Katumbi, 50 ans. Depuis fin décembre, les deux hommes se jaugent par discours interposés et s'évitent en public.
C'est Katumbi qui a dégainé le premier. Le 23 décembre, le gouverneur a fait la démonstration de sa popularité au Katanga lors d'un retour triomphal après deux mois d'absence - il était à Londres pour traiter les séquelles d'une tentative d'empoisonnement datant de 2011. Devant une foule dense, son discours en swahili - langue que maîtrise parfaitement Kabila - a pris des allures de mise en garde.
Le propriétaire du Tout-Puissant Mazembe (le plus prestigieux club de football du pays) s'est ouvertement demandé si, après deux "faux penaltys" contre l'équipe nationale de football, ses supporters n'envahiraient pas la pelouse si un troisième était sifflé... L'image prend tout son sens lorsque l'on sait que le président congolais est soupçonné de vouloir changer la Constitution, qui l'empêche de se représenter une troisième fois en 2016. De là à penser que Katumbi s'imagine en remplaçant, il n'y a qu'un pas.
Le dialogue n'est pas rompu
Le président, lui-même originaire du Katanga, où se trouve une grande partie de sa base électorale, ne pouvait laisser la fronde s'y installer. Le 5 janvier, à Lubumbashi, il a tenu à réaffirmer son autorité auprès de personnalités politiques et de membres de la société civile du Katanga. Sans Katumbi, qui avait prétexté son mauvais état de santé (s'il est effectivement affaibli, il était en état d'y assister), ni Kyungu wa Kumwanza.
La brouille pourrait-elle aller plus loin ? En marge du déplacement du président à Lubumbashi, Katumbi s'est entretenu avec Évariste Boshab, vice-Premier ministre chargé de l'Intérieur, président de l'Assemblée nationale et chef du parti présidentiel, démontrant que le dialogue n'était pas rompu. Dans l'entourage du gouverneur, on se dit confiant sur sa capacité à conserver son poste : les destitutions n'ont lieu que dans des cas bien précis et avec l'aval de l'Assemblée provinciale, dont celui-ci conserve la confiance.
Mais il n'est pas certain que cette institution ait encore un avenir. À Lubumbashi, le chef de l'État a insisté sur la nécessité d'une mise en oeuvre rapide du découpage du pays en 26 provinces (contre 11 actuellement) comme le prévoit la Constitution de 2006. Cette réforme aurait notamment pour effet de faire disparaître l'actuel Katanga, alors divisé en quatre nouvelles provinces, disposant chacune d'une assemblée et d'un gouverneur...
Une loi formalisant ce découpage a d'ailleurs été introduite lors de la session extraordinaire du Parlement qui s'est ouverte le 27 décembre (soit quatre jours après le discours de Katumbi). Selon un bon connaisseur des arcanes du Palais du peuple, elle devrait être adoptée avant le 26 janvier et rapidement appliquée : il suffira de redéployer les actuels députés provinciaux en fonction de leur circonscription, sans passer par de nouvelles élections. Menée au pas de charge, elle ferait disparaître l'actuel poste de Katumbi.
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