L'Egypte a libéré et expulsé dimanche le journaliste australien d'Al-Jazeera Peter Greste, emprisonné depuis plus d'un an malgré le tollé international suscité par sa condamnation pour "soutien" aux Frères musulmans alors que deux de ses collègues restent détenus.
"La décision d'expulser Peter Greste vers l'Australie a été prise par décret présidentiel", a déclaré à l'AFP un haut responsable du ministère égyptien de l'Intérieur. Après sa sortie de prison, le journaliste s'est envolé pour Chypre en compagnie de son frère Michael, selon des sources aéroportuaires.
A Canberra, le Premier ministre australien Tony Abbott a parlé de sa "joie personnelle et du soulagement de la nation". Il a exprimé le soutien des autorités australiennes à la liberté des médias et remercié le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.
La famille de Peter Greste a également exprimé sa joie. "Je suis ravie", a dit sa mère Lois lors d'un point de presse à Brisbane. "Je ne peux pas dire combien je suis heureuse".
La famille ne savait pas exactement quand il serait de retour en Australie. "Il est en sécurité, et est très très heureux", a déclaré son frère Andrew, soulignant toutefois que le journaliste "n'oublierait pas ses deux collègues" et "n'abandonnera pas" tant qu'ils ne "seront pas sortis de là ".
Le journaliste australien avait été arrêté en décembre 2013 avec l'Egypto-Canadien Mohamed Fahmy, dans une chambre d'hôtel du Caire où ils avaient installé, "sans autorisation" selon l'accusation, un bureau d'Al-Jazeera. Peu après, la police avait interpellé l'Egyptien Baher Mohamed, un autre journaliste de la chaîne.
Les trois hommes avaient été condamnés en juin 2014, MM. Greste et Fahmy à sept ans de prison et M. Mohamed à dix ans de détention.
Le Canada a dit espérer la libération rapide de son ressortissant. Le ministre des Affaires étrangères John Baird s'est dit "très confiant que le cas de M. Fahmy sera résolu très vite".
- Indignation internationale -
"Nous sommes heureux que Peter et sa famille puissent être réunis", a commenté Al-Jazeera Media Network, basé au Qatar. Mais "nous ne retrouverons pas la quiétude tant que Baher et Mohamed ne retrouveront pas aussi la liberté".
Le comité de protection des journalistes (CPJ) a réclamé la libération de tous les reporters emprisonnés en Egypte, douze selon le dernier recensement de cette ONG.
Les arrestations des trois journalistes étaient survenues alors que l'Egypte et le Qatar étaient à couteaux tirés après la destitution et l'arrestation par l'armée égyptienne du président islamiste Mohamed Morsi.
Al-Jazeera, qui avait largement couvert les manifestations des partisans de M. Morsi, a été accusée de "soutenir" les Frères musulmans, cibles d'une sanglante répression et décrétés "organisation terroriste" en décembre 2013 par le gouvernement de transition issu de l'armée.
L'arrestation et la condamnation des trois journalistes avaient suscité l'indignation de la communauté internationale.
Le 1er janvier, la Cour de cassation a ordonné un nouveau procès mais pas la libération sous caution réclamée par leurs avocats, le nouveau tribunal chargé de les rejuger devant statuer sur la question.
Les familles de MM. Greste et Fahmy avaient réclamé l'expulsion des deux journalistes, en vertu d'une loi promulguée en novembre autorisant l'expulsion des étrangers condamnés ou en instance de jugement.
Alors que le journaliste égyptien n'est pas éligible à une expulsion, son épouse Jihan a dit espérer "une grâce présidentielle ou un acquittement".
Premier président élu démocratiquement en Egypte en 2012, M. Morsi a été destitué le 3 juillet 2013 par Abdel Fattah al-Sissi, alors chef de l'armée. Celui-ci a été élu président 10 mois plus tard, après avoir éliminé toute opposition, islamiste puis laïque et libérale.
Al-Jazeera et les organisations internationales de défense des droits de l'Homme avaient dénoncé un procès "politique, le régime du président Sissi reprochant au Qatar et à la chaîne d'avoir été le principal soutien des Frères musulmans.
A la suite de la destitution de M. Morsi, policiers et soldats ont tué plus de 1. 400 manifestants pro-Morsi et plus de 15. 000 Frères musulmans ou sympathisants ont été emprisonnés. Des centaines ont été condamnés à mort dans des procès de masse expédiés en quelques minutes.
Le nouveau pouvoir assure, lui, que M. Morsi --qui encourt aussi la peine de mort dans plusieurs procès-- a été destitué à la demande de millions d'Egyptiens, l'accusant de ruiner l'économie et de vouloir islamiser à marche forcée la société égyptienne.
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