Le Premier ministre burkinabè a failli perdre son poste dans la bataille qui l'oppose au puissant régiment de sécurité présidentielle depuis plus d'un mois. Maintenu à la tête du gouvernement au nom de l'intérêt supérieur de la transition, il marche désormais sur des oeufs.
Longtemps considéré comme le patron de la transition au Burkina Faso, Yacouba Isaac Zida apparait désormais comme un homme affaibli. Après une première mise en joue, le 30 décembre dernier, le Premier ministre s'est à nouveau retrouvé, mercredi 4 février, dans le viseur de ses anciens compagnons d'armes du régiment de sécurité présidentielle (RSP). Exaspérés par ses promesses de nominations non-tenues, les membres de l'ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré ont ouvertement réclamé sa tête, provoquant la première secousse sérieuse au sein d'une transition jusque-là bien menée.
Dès les premières heures de ce mercredi sous tension à Ougadougou, Yacouba Isaac Zida a donné l'impression de battre de l'aile. Vers 09h00 du matin, se sachant attendu - et menacé - par les membres du RSP au palais de Kosyam, où était programmé le conseil des ministres hebdomadaire, il a préféré se rendre chez le respecté Mogho Naba, roi des Mossis, pour se tirer de ce mauvais pas. Après une journée d'intenses tractations, menées notamment par Gilbert Diendéré, patron historique du régiment présidentiel, et Jean-Baptiste Ouédraogo, ex-chef de l'État, un compromis a finalement été trouvé à l'issue d'une réunion des responsables de l'armée à la présidence.
Les esquives de Zida
Au nom de l'intérêt général, Zida a été maintenu à la tête du gouvernement. En échange, il a dû accepter les revendications du RSP, à savoir le remplacement de son proche Théophile Nikiema par le colonel-major Boureima Kéré à l'État-major particulier de la présidence, et la nomination du lieutenant-colonel Céleste Coulibaly, ancien aide de camp de Blaise Compaoré, à la tête de la garde présidentielle. L'idée d'une dissolution du RSP, ouvertement souhaitée par Zida il y a quelques semaines, a elle été abandonnée au profit d'une commission qui "se penchera sur le rôle futur et le fonctionnement" du régiment. En clair : le régime de transition n'y touchera pas et confiera ce dossier explosif aux futures autorités élues.
Selon des sources concordantes, Yacouba Isaac Zida aurait tenté d'esquiver le problème RSP durant tout le mois de janvier. Pressé de rendre des comptes à plusieurs reprises par des membres du corps d'élite, le Premier ministre répondait notamment que le dossier suivait son cours du côté de la présidence, alors que le chef de l'État Michel Kafando ne s'était jamais vraiment penché sur cette épineuse question. Se rendant finalement compte que leurs revendications n'avaient pas progressé d'un pouce, les officiers du RSP, très remontés, auraient donc décidé de coincer Zida lors du conseil des ministres prévu le 5 février.
Kafando Ă la rescousse
Pendant ces heures d'incertitudes, le Premier ministre a aussi perdu l'avantage que certains lui prêtaient dans le binôme qu'il forme avec le président Kafando à la tête de l'exécutif. "Cet épisode a permis au chef de l'État de descendre dans l'arène militaire. Il ne l'avait encore jamais fait, car ce domaine était réservé à Zida", explique une source diplomatique à Ouagadougou. Le président a en effet eu un rôle actif durant cette journée tendue, s'entretenant avec les différents protagonistes pour trouver une solution et défendre son Premier ministre. S'il ne lui doit pas directement son maintien en poste, Zida sait désormais qu'il doit une partie de sa survie politique au président.
Yacouba Isaac Zida, que l'on dit affecté par son accrochage avec le RSP, n'est pas pour autant complètement isolé. Les organisations de la société civile (OSC) ont largement protesté contre les revendications de la garde présidentielle, honnie par une large majorité de la population. Zida s'est donc retrouvé, de fait, soutenu par de nombreux Burkinabè. Un soutien qui devrait à nouveau être affiché le samedi 7 janvier, date retenue par les OSC pour une grande manifestation contre le RSP dans les rues de Ouagadougou. Benjamin Roger
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