Le président sénégalais a entamé jeudi une tournée d'une semaine en Casamance. Annonces en faveur du tourisme local, développement de son assise politique dans la région, réglement du conflit casamançais : son programme s'annonce chargé.
Il n'y était pas retourné depuis près d'un an. Macky Sall a débuté jeudi 19 février une véritable tournée économique (et politique) d'une semaine en Casamance, une première depuis son élection, fin mars 2012. Le président, arrivé jeudi à Ziguinchor, restera dans la région la plus méridionale du pays jusqu'au mercredi 25 février, date à laquelle il dirigera un conseil des ministres délocalisé à Sedhiou.
Booster le tourisme local
"Macky", accompagné de son épouse Marième Faye Sall, a été accueilli jeudi matin par des milliers de personnes dans les rues de Ziguinchor. Le chef de l'État a d'abord inauguré deux nouveaux bateaux destinés à renforcer la liaison maritime entre Dakar et la Casamance, jusqu'à présent assurée par un seul navire. Construits en Corée du Sud, le Aguène et le Diambogne doivent contribuer au désenclavement de cette riche région agricole, où sont cultivés la plupart des fruits et légumes du Sénégal. Le président a par ailleurs déclaré que les prix du trajet en bateau seront subventionnés par l'État. Le tarif du billet devrait donc être réduit de 50 %, passant de 10 000 à 5 000 francs CFA, le tout afin d'encourager les déplacements vers la Casamance.
Macky Sall a ensuite annoncé que la région serait décrétée "zone de priorité nationale touristique" pendant les dix prochaines années. Concrètement, cette mesure, destinée à booster le tourisme local, offrira des exonérations fiscales aux promoteurs touristiques qui y investiront durant la prochaine décennie.
Pour compléter cette série d'annonces, Macky Sall a enfin promis que son gouvernement allait entreprendre des démarches diplomatiques auprès de la France pour lever le placement de la Casamance en "zone orange" par le Quai d'Orsay. Cette notation signifie que les autorités françaises y déconseillent tout déplacement, sauf motif impérieux, à leurs ressortissants. Une mesure qui n'est évidemment pas favorable au développement du tourisme.
Une tournée à connotation politique
Si cette tournée présidentielle se veut essentiellement économique, elle a aussi, officieusement, un véritable objectif politique. C'est la troisième fois que Macky Sall se rend en Casamance depuis son arrivée au pouvoir, début avril 2012. Son dernier déplacement remonte au mois de mars 2014. Il avait alors lancé en grande pompe le plan "Casamance Pôle de développement", resté depuis dans les cartons de la présidence.
Cette fois, le chef de l'État a souhaité marquer les esprits en restant une semaine entière dans la région, pour ce qui ressemble fortement à une tournée électorale anticipée. À deux ans de la présidentielle - annoncée pour 2017, en vertu du passage au quinquennat promis lors de son élection en 2012 -, il commence à mobiliser ses troupes en vue de sa réélection. Il devrait ainsi prendre le pouls des responsables locaux de l'Alliance pour la République (APR), parti qu'il a fondé en 2008 et qui lui a permis d'accéder à la magistrature suprême. "Il y va aussi sûrement pour damer le pion à Abdoulaye Baldé [le député-maire de Ziguinchor, qui est un de ses principaux opposants et rivaux pour 2017, NDLR] et essayer de débaucher des cadres de son parti, l'Union centriste du Sénégal (UCS)", ajoute une source diplomatique à Dakar.
Le règlement du conflit casamançais en toile de fond
C'est évidemment l'autre thème majeur de cette tournée : le règlement du conflit séparatiste qui agite la région depuis plus de trente ans. ''Ma préoccupation la plus importante, la plus pressante, c’est le retour définitif de la paix dans la région naturelle de Casamance’’, a déclaré jeudi Macky Sall à Ziguinchor. Depuis le cessez-le-feu proclamé en 2005, le gouvernement et les deux branches de la rébellion du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) tentent d'aboutir à un accord définitif de paix.
Ces trois dernières années, la communauté catholique Sant'Egidio a organisé plusieurs rounds de négociations à Rome entre les autorités sénégalaises et le front nord du MFDC, dirigé par Salif Sadio. Son rival, César Atoute Badiate, qui a la main sur le front sud du maquis casamançais, est lui en contact avec d'autres médiateurs, tels l'évêque et l'ancien maire de Ziguinchor, Mgr Paul Abel Mamba Diatta et Robert Sagna, ou encore l'imam de Bignona, El Hadji Fansou Bodian.
"Macky Sall gère le conflit en Casamance de façon très discrète et plus rationnelle qu'Abdoulaye Wade", estime un observateur proche du dossier. Pour le président comme pour son prédécesseur, qui avait promis de régler la question en "cent jours" avant de s'y casser les dents, la principale difficulté des pourparlers reste le statut juridique – autonomie, régionalisation avancée… - à accorder à la région.
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