Maroc : Abdelhak Khiame, le boss de la police d'élite
le 04/04/2015 12:50:00
Maroc

Depuis plus de 24 heures, ils sont sans nouvelles d'un proche étudiant à l'université de Garissa, où les shebab ont tué jeudi 147 personnes. Vendredi, l'insupportable attente continue dans une morgue de Nairobi, à chercher parmi les corps un enfant ou un frère.

"Je ne peux pas parler": ce sont les derniers mots de Salomé, étudiante en économie de 20 ans, à son père Peter Wainaina, chef d'entreprise septuagénaire portant encore beau, peu après le début de l'attaque. Puis elle a raccroché.
Son père l'appelait après avoir reçu ce terrible SMS: "Les shebab nous tuent. Au revoir. Si on ne s'en sort pas, sachez que je vous aimais".
"J'ai essayé de rappeler plus tard, mais son téléphone était éteint. Depuis, je n'ai plus de nouvelles", explique le vieil homme, ses yeux clairs brillant de larmes. "J'ai appelé l'administration de l'université, mais ils n'ont pas pu me donner d'information".
"Je suis venu voir les corps, j'ai envie de savoir si elle est vivante ou non", poursuit-il, fataliste: "c'est désormais la volonté de Dieu".
Il attend à côté d'une centaine d'autres personnes, assises dignes et silencieuses sous des tentes érigées sur le parking de la morgue. Quelques larmes perlent chez certains.
A quelques mètres, dans une salle, 20 corps nus sont allongés sur des civières posées au sol, devant un mur de placards réfrigérés. Recouverts d'un drap dont émergent les pieds et le visage, 11 hommes gisent d'un côté, neuf femmes de l'autre, les yeux fermés.
Dans une odeur de mort et de produits chimiques, les employés en blouse blanche suturent des blessures pour rendre les cadavres plus présentables.
Les islamistes shebab ont pris d'assaut l'université de Garissa, à 150 km de la frontière somalienne, jeudi à l'aube, surprenant leurs victimes au saut du lit. Certains n'ont pas eu le temps de s'habiller avant d'être abattus, peu avaient leurs papiers et c'est aux familles de les identifier.
- Interminable attente -
Tous les corps - la collecte continuait vendredi sur le campus - vont être rapatriés à Nairobi, après les examens médico-légaux. Quelque 70 dépouilles supplémentaires, enfermés dans des sacs blancs, sont arrivées dans l'après-midi à la morgue.
"J'ai entendu que les corps étaient amenés ici, donc je suis venu vérifier", explique John Nyang'au Masiria, travailleur journalier de 36 ans, sans nouvelles de son cadet Joash, 25 ans, étudiant en mathématiques à Garissa.
Jeudi matin, "j'ai entendu les nouvelles, j'ai essayé de l'appeler mais il n'était pas joignable, ensuite j'ai essayé toute la journée" sans succès, raconte-t-il. "J'ai appelé un de ses camarades qui m'a dit avoir réussi à s'enfuir mais ne pas savoir où était mon frère".
L'interminable file de parents s'étire devant une petite pièce, où les familles entrent par petits groupes regarder les photos des 20 corps projetés sur une télévision. Ceux qui pensent reconnaître l'un des leurs passent dans la salle de la morgue pour identifier formellement la dépouille.
Pour certains, l'attente prend fin dans les cris et les larmes qui déchirent soudain le lourd silence. Des secouristes de la Croix-Rouge soutiennent ceux qui viennent de voir se confirmer ce qu'ils pressentaient.
Dans des petites tentes d'où émergent pleurs et plaintes, des secouristes et des groupes religieux tentent de consoler les proches effondrés.
Félix Barasa, 49 ans, sort de la morgue où il croyait retrouver Diane, sa fille de 21 ans, qui étudie à Garissa pour devenir enseignante.
"Je lui ai parlé la nuit avant l'attaque. J'ai entendu ce qu'il se passait en me réveillant, j'ai essayé de l'appeler mais ça ne sonnait pas", raconte ce comptable. Des proches qui l'accompagnent ont cru la reconnaître sur une photo, puis parmi les corps.
"Ils ont pensé que c'était elle, mais ce n'est pas ma fille", assure-t-il, expliquant n'avoir pas retrouvé sur le cadavre un signe particulier de sa fille.
L'attente continue donc, avec sa terrible incertitude mais aussi sa faible lueur d'espérance. "Je garde espoir" que Diane soit encore vivante, dit Félix, "elle peut être à l'hôpital, ou en brousse".
"Je l'ai encore appelée ce matin, quand j'attendais ici". Mais de l'autre côté, le téléphone restait désespérément éteint.

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