Épargné par les violences islamistes qui touchent son voisin camerounais, le Congo a décidé d'interdire aux musulmanes de porter le voile intégral dans les lieux publics "pour prévenir tout acte de terrorisme", une décision qui semble bien acceptée parmi la minorité musulmane.
"Le ministre de l'Intérieur (Raymond Zéphiryn Mboulou) nous a notifié la décision d'interdire le voile intégral chez les femmes musulmanes. La décision est prise pour prévenir tout acte de terrorisme et d'insécurité", a indiqué samedi à l'AFP El Hadj Abdoulaye Djibril Bopaka, qui préside le Conseil supérieur islamique du Congo.
Le Conseil, a-t-il précisé, a été informé lundi de cette décision par le gouvernement et s'est vu donner un délai de 15 jours pour sensibiliser la communauté musulmane.
"Les femmes musulmanes ne peuvent désormais mettre leur voile intégral qu'à la maison, dans les lieux de culte mais pas dans les milieux publics", a ajouté M. Bokapa, précisant cependant que les "femmes qui portent le voile intégral ne représentent qu'une infime minorité".
Selon le Conseil supérieur islamique, le Congo compte quelque 800.000 fidèles musulmans dont 90% viennent des pays ouest-africains et du monde arabe et 10% de Congolais.
Selon les estimations officielles, la grande majorité des croyants congolais sont chrétiens (80%).
"La décision de l'autorité est bonne parce qu'il y a eu des témoignages selon lesquels des non-musulmans se cachaient derrière le voile [intégral] pour commettre des actes inciviques", a poursuivi M. Bopaka.
Contrairement à son voisin, le Cameroun, durement frappé par le groupe islamiste nigérian Boko Haram, le Congo n'a pas enregistré pour l'heure d'attaques de ce genre sur son territoire.
Au Nigeria, plusieurs attentats meurtriers ont été commis par des femmes ou des jeunes filles dissimulant des explosifs sous leur hijab.
A l'inverse, aucun attentat n'a été perpétré sur le territoire congolais. Dans une interview à Bloomberg, le président congolais Denis Sassou Nguesso avait toutefois souligné que seule "une coopération internationale peut permettre de venir à bout de Boko Haram".
"Tout Ă fait normal"
Côté ministère de l'Intérieur, on précise, sous couvert d'anonymat, que cette interdiction "fait partie de l’opération Mbata ya Bakolo (gifle des aînés)", lancée en avril 2014 pour lutter contre l'immigration clandestine et l’insécurité.
Poto-Poto est le plus musulman des quartiers de Brazzaville, il abrite de nombreuse mosquées.
Depuis l'interdiction du voile intégral, aucun mouvement de contestation n’y a été enregistré. Plus encore, le Conseil supérieur islamique du Congo s’est lancé dans une campagne d'information et de sensibilisation auprès des musulmans.
"On doit bien informer (les intéressés) pour éviter de tomber dans les erreurs de la mauvaise propagande", a déclaré El Hadj Abdoulaye Djibril Bopaka. "Nous avons déjà tenu la grande réunion avec les imams de Brazzaville qui ont pris l'engagement de faire le relais", a-t-il ajouté, affirmant que "la sécurité est aussi une affaire de religion".
A Poto-Poto, Simon Lawal, Béninois d’origine, dit avoir des "épouses souvent voilées" et souligne qu’il ne s’"oppose pas à la décision du gouvernement".
Seulement, nuance-t-il, si "la décision est souvent bien prise par l’autorité" étatique, "parfois ceux qui l’appliquent le font mal". M. Bopaka a prévenu que "nous n’accepterons pas le désordre et les dérapages dans l’exécution de cette décision parce que nous voulons tous de la sécurité".
Princio Mba, 35 ans, musulman nigérien installé au Congo depuis 2009, estime que "si le gouvernement trouve que le pays est exposé à quelques risques, il peut brandir des interdictions". "C’est tout à fait normal. On ne peut pas condamner une telle décision", insiste-t-il.
"La loi n’est ni chrétienne ni musulmane, la loi c’est la loi", estime Bro Mohamed devant sa boutique achalandée du marché Poto-Poto, où quatre étals sur cinq appartiennent à des commerçants étrangers, en majorité ouest-africains.
"Nous constatons tous qu’il y a des tentations (de terrorisme) par-ci par-là donc le gouvernement peut interdire certaines choses", poursuit-il.
"On n'a pas le choix, explique encore Stevie Abeyomé, marchande béninoise à Poto-Poto. "On va se conformer à la loi dictée par le gouvernement congolais parce que nous ne sommes pas chez nous".
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