Au lendemain du putsch manqué contre lui, le président burundais a annoncé lundi un remaniement qui a notamment balayé les ministres de la Défense et des Affaires étrangères. De nombreuses voix, dont celle du président kényan, appellent au report des élections.
Même s’il est resté totalement muet lors de sa conférence de presse du 17 mai sur le coup d’État manqué et le sort réservé aux putschistes, Pierre Nkurunziza a limogé dès le lendemain trois ministres de son gouvernement, dont le très stratégique portefeuille de la Défense.
Le général Pontien Gaciyubwenge jugé trop conciliant avec les manifestants toujours mobilisés contre un troisième mandat présidentiel a été remercié. Même si aucune motivation n’a été donné pour ce limogeage, un haut cadre du CNDD-FDD (parti au pouvoir) a expliqué à l'AFP que l'officier est "victime de sa gestion des manifestations et des ordres qu'il a donnés qui semblaient contredire ceux du président".
Début mai, alors que la capitale Bujumbura était déjà secouée depuis près d'une semaine par les manifestations interdites et réprimées par le pouvoir, le général Gaciyubwenge avait réaffirmé la neutralité de l'armée et demandé à ce que cessent les atteintes aux droits constitutionnels des Burundais. Il avait pris le contre-pied du ministre de la Sécurité publique, Gabriel Nizigama, qui venait d'annoncer un durcissement de la répression.
Il est remplacé par Emmanuel Ntahonvukiye, ancien magistrat et premier civil nommé à ce poste depuis une cinquantaine d'années. Officiellement apolitique mais connu pour ses sympathies propouvoir, le nouveau ministre aura sans doute moins d'ascendant sur les forces armées que le chef d'état-major Prime Niyongabo qui a montré sa fidélité sans faille au président lors du coup d'État manqué ainsi que dans la gestion des manifestations.
Nouveaux ministres des Affaires étrangères et du Commerce
Aux Relations extérieures, Laurent Kavakure paie, selon un cadre du parti au pouvoir, pour ne pas avoir su "convaincre la communauté internationale sur les questions de l'heure". Les communautés internationale et régionale, dont l'Union africaine (UA), ont multiplié ces derniers mois les mises en garde contre un troisième mandat de M. Nkurunziza.
Il cède sa place à un diplomate très au fait des arcanes de l'UA, l'actuel ambassadeur du pays auprès de l'organisation panafricaine, Alain Aimé Nyamitwe. Cette nomination intervient alors qu'un nouveau sommet est-africain sur la crise politique burundaise vient d'être annoncé, à une date encore inconnue.
Quant à Virginie Ciza, la ministre du Commerce, elle est limogée alors que le Burundi connait depuis trois mois une grosse pénurie de produits pétroliers.
Le président kényan appelle au report des élections
En visite en Afrique du Sud, Uhuru Kenyatta a fait part de sa préoccupation sur la situation au Burundi et a indiqué qu’un report des élections - législatives et présidentielle - permettrait de trouver une solution à l’amiable. "Nous pensons que la paix et la stabilité sont fondamentales au Burundi. C'est pourquoi nous autres, dirigeants de la région, avons estimé qu'il était nécessaire que les élections soient reportées, tout en restant dans le cadre du mandat de l'actuel gouvernement", a-t-il déclaré.
Les manifestations ont repris lundi 18 mai à Bujumbura et ont été gérées avec difficulté par l'armée, qui pour la première fois a remplacé la police pour maintenir l'ordre. Visiblement mal à l'aise dans cette fonction, sans la moindre matraque ou bouclier, les militaires ont fait usage de leurs armes pour des tirs de sommation mais n'ont pas visé la foule, malgré d'évidentes tensions dans leurs rangs sur l'attitude à adopter face aux manifestants.
Les autorités burundaises, qui ont lié le coup d'État au mouvement de contestation dans la rue, continuent d'exiger l'arrêt du "soulèvement" populaire. Elles ont averti les manifestants qu'ils seront désormais "traités comme" des putschistes.
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