Les principaux leaders de la contestation contre un troisième mandat du président burundais Pierre Nkurunziza ont appelé mardi un millier de manifestants à "vaincre la peur" de la répression et à continuer leur mouvement, lors d'un meeting improvisé dans un quartier de Bujumbura.
Malgré les tirs de sommation de militaires, des dizaines, parfois même des centaines de jeunes ont manifesté dans la journée dans plusieurs quartiers périphériques de la capitale.
A Musaga, un des hauts-lieux de la contestation depuis le début du mouvement fin avril, plus d'un millier de protestataires ont envahi une des principales avenues, plus grand rassemblements depuis le coup d'Etat manqué mercredi, qui avait vu la foule déferler dans le centre-ville.
Les manifestants de Musaga ont été rejoints par cinq responsables du mouvement Arusha, baptisé en référence aux accords de paix qui avaient mis fin à la guerre civile (1993-2006), et qui regroupe les partis d'opposition et organisations de la société civile engagés dans la lutte contre le troisième mandat.
Au cours d'un meeting improvisé au milieu de la route, ces responsables, dont certains vivent dans la clandestinité, ont pris la parole et galvanisé la foule. Quasiment aucun militaire ou policier, positionnés à l'entrée du quartier, n'était à proximité.
Au nom de la société civile, Dieudonné Bashirahishize, a fait observer une minute de silence "pour les martyrs du combat pour la liberté", après la mort d'une vingtaine de personnes dans les violences ayant émaillé les manifestations depuis fin avril.
"Ce sang versé (. . . ) nous enseigne qu'il ne faut pas avoir peur, nous devons vaincre notre peur et continuer à manifester malgré les menaces proférées par le conseil national de sécurité ou par le président lui-même", a lancé M. Bashirahishize sous les applaudissements.
"Le mouvement Arusha n'a rien à voir avec les putschistes qui ont tenté de renverser le pouvoir. Nous avons commencé avant eux, ils sont aujourd'hui en prison", a déclaré Frédéric Banvugiyuvira, vice-président du parti d'opposition Frodebu.
"Nous venons de montrer que les Burundais peuvent se battre pour leurs droits. Nous refusons d'être les esclaves de Nkurunziza", a-t-il lancé: "nous continuons notre lutte! Si Nkurunziza veut que nous quittions les rues, il faut qu'il renonce à son troisième mandat, sinon nous allons rester mobilisés".
Le meeting a été un moment perturbé par l'arrivée de plusieurs blessés, dont certains avaient le visage tuméfié ou ensanglanté: ils ont dit avoir été attaqués dans un quartier voisin par des Imbonerakure, la ligue de jeunesse du parti au pouvoir (que l'ONU considère comme une milice), accompagnés de policiers.
L'un des blessés a raconté comment plusieurs de ses camarades avaient été arrêtés et emmenés dans le véhicule du général Adolphe Nshimirimana, officiellement "chargé de mission à la présidence", et qui coordonnerait en réalité tout le système de sécurité aujourd'hui au Burundi.
Dans le quartier de Mutakura, un autre incident était signalé par des témoins: à bord d'une voiture, des policiers sont passés en trombe au milieu d'un groupe de manifestants, en tirant et en lançant des grenades lacrymogène. L'incident n'a pas fait de blessés, mais a suscité la rage des protestataires, qui ont monté immédiatement deux barricades enflammées et tenté de pousser un container au milieu de la chaussée.
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