En février 2014, des hommes armés de machettes ont attaqué Grabo, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, à la frontière libérienne, tuant quatre soldats. Les experts craignent que de tels coups de main ne se multiplient avant la présidentielle ivoirienne en octobre.
Le Libérien "Vieux James" - un pseudonyme - 32 ans, assure y avoir participé sans être jamais inquiété, dans un témoignage à l'AFP à Zwedru, près du fleuve Cavally, qui constitue la frontière naturelle avec l'Ouest ivoirien, en proie à des attaques meurtrières depuis deux ans.
Plusieurs sources, dont des experts de l'ONU, imputent ces violences à des mercenaires basés au Liberia, préparant pour certains leurs opérations à partir des camps de réfugiés ivoiriens dans le pays.
Quelque 100. 000 Ivoiriens ont fui au Liberia les meurtrières violences post-électorales de 2010-2011 entre le président sortant Laurent Gbagbo et son rival victorieux Alassane Ouattara, qui ont dégénéré en conflit interethnique et en massacres.
Des centaines de partisans armés de Laurent Gbagbo ont trouvé refuge au Liberia.
"Vieux James" reconnaît que la vengeance était le principal mobile de l'attaque de Grabo en février 2014, mais de loin pas le seul.
"Surtout, nos frères et soeurs de l'autre côté du fleuve (Cavally) étaient persécutés, tués et violés par les forces d'Alassane" Ouattara, affirme-t-il, en référence à la parenté ethnique entre populations de part et d'autre de la frontière.
"Nous ne pouvions pas rester sans rien faire", ajoute-t-il, précisant que l'appât du gain a aussi joué, sans révéler qui a payé ni combien.
Grabo a une nouvelle fois été attaquée en janvier 2015. Deux soldats et un milicien y ont été tués, selon les autorités ivoiriennes.
En novembre 2014, le groupe d'experts de l'ONU sur le Liberia s'est dit préoccupé de voir les camps de réfugiés dans ce pays constituer des "lieux de prédilection pour le recrutement et la préparation d'attaques transfrontalières".
- 'Frontière poreuse' -
Les Nations unies considèrent cette situation comme un ultime avatar du problème lancinant des milliers de combattants aujourd'hui dés?uvrés des 14 ans de guerres civiles (plus de 250. 000 morts entre 1989 et 2003) du Liberia.
Certains tirent leur subsistance de l'extraction illégale d'or ou de trafics de drogue et d'armes dans les forêts et zones minières de la frontière ivoirienne, qu'ils franchissent pour des raids visant à protéger leurs intérêts ou contre rémunération.
En 2013, une cinquantaine d'entre eux avaient tendu des embuscades aux gardes forestiers sierra-léonais. Et en août 2014 des élus locaux de Guinée forestière (sud) avaient vu la main des anciens rebelles libériens installés là dans une émeute contre des mesures de lutte contre Ebola conduites par les autorités.
L'organisation caritative britannique Conciliation Resources, qui travaille dans la région depuis 2007, s'inquiète dans un récent rapport d'une possible "poussée de violence" avant la présidentielle de part et d'autre de la frontière libéro-ivoirienne, alors l'ONU se prépare à retirer ses troupes des deux pays.
L'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci), déployée en 2004, est en train de réduire ses effectifs. L'ONU envisage de revoir son mandat et "d'y mettre éventuellement fin après l'élection présidentielle d'octobre 2015, en fonction des conditions de sécurité sur le terrain".
Fin de mandat en vue également - probablement en 2016 - pour la Mission de l'ONU au Liberia (Minul), créée en 2003, au sortir de la guerre civile.
Des enquêteurs de l'ONU affirment que des rebelles ivoiriens et libériens ont cité de hauts dignitaires de l'ancien régime Gbagbo comme politiquement ou financièrement impliqués dans leurs activités paramilitaires.
Des mises en cause balayées par Pascal Affi N'Guessan, chef du Front populaire ivoirien (FPI), créé par l'ex-président Gbagbo.
"Ça m'étonnerait que des cadres du FPI, qui avaient eux-mêmes des problèmes de subsistance, aient pu financer des attaques. Ces commentaires sont insultants, contraires à la philosophie du FPI", déclare-t-il à l'AFP à Abidjan.
Un haut responsable provincial libérien, Peter Solo, reconnaît que la frontière est "entièrement poreuse" mais dément que les attaques en Côte d'Ivoire soient préparées ou lancées depuis sa région.
Il n'y a eu "aucune menace directe à partir du Liberia", a-t-il assuré à l'AFP.
Selon un responsable frontalier toutefois, la région restera un foyer de tension tant que les anciens miliciens pro-Gbagbo n'auront pas l'assurance de pouvoir rentrer chez eux sans crainte.
|