20110407 Xinhua BUJUMBURA, 6 avril (Xinhua) -- Le peuple burundais célèbre mercredi le 17ème anniversaire de l'assassinat du président Cyprien Ntaryamira, assassiné le 6 avril 1994 ensemble avec le président rwandais Juvénal Habyarimana au-dessus de l'aéroport de Kanombe à Kigali au Rwanda au retour d'Arusha en Tanzanie où ils avaient participé à une réunion de sécurité en général et pour le Burundi en particulier.
Feu président Ntaryamira venait en effet d'être intronisé une année seulement après l'assassinat dans un coup d'Etat le 21 octobre 1993 du premier président démocratiquement élu Melchior Ndadaye et un bon nombre de ses proches collaborateurs.
« La réunion d'Arusha avait raison d'être pour voir comment il pouvait conduire le pays sans avoir peur d'être assassiné comme son compagnon de lutte Ndadaye », a confié à Xinhua un professeur de l'enseignement secondaire et membre influent du parti Frodebu pour lequel feu président Ntaryamira a beaucoup travaillé.
« Malheureusement, la nature a voulu sa volonté autrement puisqu'il a été assassiné avant même qu'il n'arrive au Burundi », a ajouté ce professeur qui a requis l'anonymat.
17 ans après, aucune lumière sur son assassinat.
Les Burundais célèbrent ce 17ème anniversaire de l'assassinat du président Cyprien Ntaryamira et de ses deux ministres sans avoir aucune lumière sur leurs disparitions et demande que lumière soit faite. Il en est de même pour le parti Frodebu de feu Cyprien Ntaryamira qui va plus loin en demandant au gouvernement de faire tout pour que la vérité et les circonstances de la mort de ces hautes personnalités soient connues.
« Aujourd'hui que les obstacles ont été levés, ont été brisés, nous sommes en droit d'exiger que le gouvernement du Burundi et le parlement burundais avec le pouvoir judiciaire engagent réellement des négociations avec le gouvernement rwandais en ce qui concerne l'établissement des faits et de la vérité ; la fixation des responsabilités ; les poursuites judiciaires et l'indemnisation du Burundi et des familles des disparues », a indiqué à Xinhua Léonce Ngendakumana, président du parti Frodebu.
Les obstacles dont il parle concernent les contraintes socio- politiques et sécuritaires qui ont prévalu dans le pays et dans la région depuis 1994, année de son assassinat, qui n'ont pas permis une évolution positive du dossier. Le dossier Ntaryamira est un dossier à ne pas noyer dans les autres dossiers oubliés.
Le parti Frodebu s'insurge contre la volonté des dirigeants du gouvernement actuel de vouloir prendre le dossier Ntaryamira comme d'autres dossiers en général, et comme des dossiers à oublier en particulier. « On nous dit que le dossier suit son cours normal, tantôt qu'il sera envoyé dans la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), tantôt que le contexte politique du moment ne permet pas de suivre le dossier.
Contrairement aux principes du parti CNDD FDD (au pouvoir), le dossier ne peut et ne pourra jamais être renvoyé dans la CVR, laquelle ne sera même pas mise en place, indique Léonce Ngendakumana. Et il explique pourquoi.
« Nous tenons à rappeler que feu président Cyprien Ntaryamira n'a pas été assassiné sur le sol burundais, raison de plus que cette affaire ne peut pas être traitée par une commission nationale ». Le parti Frodebu décline aussi toute sa responsabilité quant au rôle qu'il aurait dû jouer dans cette affaire au moment où il était encore au pouvoir. « Le Président Cyprien Ntaryamira n'a pas été assassiné comme un militant du Frodebu, mais en sa qualité de président de la République du Burundi. Il s'agit donc d'une affaire entre Etats, entre le gouvernement du Burundi et le gouvernement du Rwanda », indique le président du Frodebu.
Le Burundi et les familles des disparus ont besoin d'être indemnisés. L'autre question qui est entourée de points encore obscurs concerne l'indemnisation de l'Etat du Burundi et des familles des disparus à l'instar de la famille de feu Habyarimana.
« Nous demandons au gouvernement du Burundi d'engager des négociations rapides et directes avec le gouvernement du Rwanda sur la réclamation et le versement des indemnités de peur que demain on ne nous dise pas que les indemnités ont été versées mais qu'elles ont rencontré des urgences », continue à réclamer le parti Frodebu.
A propos de ces indemnisations, d'aucuns disent que deux millions de dollars auraient été versés par la compagnie LLYODE réassureur de la Société Nationale d'Assurance Rwandaise (SONARWA) à laquelle était assuré l'avion présidentiel qui a été abattu le 6 avril 1994. Sur les deux millions, la famille de feu président Habyarimana aurait perçu 1 500 000 dollars et le reste devrait être versé aux familles des autres victimes.
« Des deux millions, je n'ai rien reçu », confirme Mme Sylvana Ntaryamira, la veuve du feu président Cyprien Ntaryamira. Un avocat qui a suivi de près ce dossier tranquillise les gens qui ont encore des doutes sur cette affaire.
« Ce n'est pas trop tard de connaître la vérité puisqu'on a assez d'éléments d'enquête. Il y a beaucoup de rapports qui restent gardés dans les tiroirs : il y a le rapport Hooligan, celui de Brugger, le rapport de Muco et le rapport Mermel », tranquillise Me Fabien Segatwa.
Feu Cyprien Ntaryamira est né le 6 mars 1955 à Mageyo de la commune Mubimbi en province de Bujumbura rurale. Il a terminé les études universitaires au Rwanda où il s'était réfugié et au retour au Burundi, il a occupé plusieurs postes principaux dont celui de ministre de l'Agriculture et de l'élevage avant d'être président de la République. Il se caractérisait par l'attachement à la discipline dans tous les domaines de la vie nationale. Il a laissé trois orphelins et une veuve.
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