Afrique du Sud : Rapport sur le massacre de Marikana: les familles des mineurs déçues
le 27/06/2015 10:08:10
Afrique du Sud

Le gouvernement sud-africain a rendu public jeudi 25 juin soir le rapport d’enquête sur le massacre de Marikana. Il s’agit de l’incident le plus tragique depuis la fin de l’apartheid. En août 2012, la police abattait 34 mineurs lors d’une grève illégale, prétextant la légitime défense. L’incident avait profondément choqué le pays par sa violence. La commission d’enquête a mis près de trois ans à rendre son rapport final.

Après trois ans d’enquête, le rapport n’a été remis au président de la République Jacob Zuma qu’en mars dernier. Le chef de l’Etat a ensuite lui-même pris trois mois pour le rendre public et ce, après d’intenses pressions de la part des organisations qui représentent les mineurs et leurs familles qui veulent bien évidemment connaître les responsables de la tragédie. La frustration des familles d’avoir eu à attendre aussi longtemps est importante. Le chef de l’Etat s'est enfin décidé à résumer, jeudi 25 juin, ce rapport qui fait 600 pages.

Les conclusions du rapport

Le rapport fait porter une large responsabilité aux forces de l’ordre qui ont tiré à balle réelle sur les manifestants. La commission conclut que le plan d’action de la police était défectueux, qu’il y a eu un manque total de contrôle et de commandement et que la direction de la police a tenté de retenir des informations durant l’enquête. Et elle recommande l’ouverture d’une enquête criminelle, afin de poursuivre certains responsables de la police. C’est le point le plus important. Car à ce jour, aucun membre de la police n’a été jugé ni sanctionné.

Le rapport épingle ensuite le groupe minier. Lonmin n’a pas fait le nécessaire pour résoudre le conflit social, et a appelé ses travailleurs non grévistes à venir travailler, alors que leur sécurité n'était pas assurée. Critique également des syndicats qui n’ont pas su contrôler leurs membres pour éviter toute violence. En revanche, la commission décharge de toute responsabilité les politiques, à commencer par Cyril Ramaphosa, l'actuel vice-président sud-africain, qui était à l'époque membre du conseil d'administration de Lonmin.

La virulence de Malema

Parmi les réactions les plus vives, celle du leader radical Julius Malema dont le parti a pris la défense des mineurs de Marikana. Dans un communiqué ce vendredi 26 juin, le leader de ce parti déplore l'absence de toute sanction immédiate. « Le rapport ne blâme personne. Il n'appelle personne à s'excuser, et il ne recommande aucune indemnisation pour les vies perdues ».

Malema promet que son parti va continuer à lutter jusqu'à ce que les responsables, y compris Cyril Ramaphosa, soient poursuivis et envoyés en prison. Ramaphosa était à l'époque membre du conseil d'administration de Lonmin. Il avait notamment plaidé auprès de ses amis ministres pour que la police intervienne. Dans des emails, il a qualifié les manifestants de criminels et appelé à une réponse appropriée, c’est le terme qui avait été utilisé à l’époque.

La déception des familles

La police et le groupe minier Lonmin vont étudier le rapport avant de réagir. Les avocats des familles de mineurs tués et blessés sont également restés prudents. Ils veulent examiner le rapport avant de réagir et faire des recommandations. Ils sont toutefois déçus car il n'y a ni sanctions immédiates, ni indemnisations. Et dans son discours jeudi 25 juin, le chef de l’Etat n'a quasiment pas mentionné les familles. L'annonce du président a été très froide, sans aucune empathie envers ces mineurs et leurs familles.

Le rapport devait être rendu public la semaine prochaine. Il a été avancé de cinq jours sans aucun préavis. Pourtant, 48h de préavis devaient être laissées aux mineurs et à leurs familles pour qu’ils puissent se préparer psychologiquement et se rassembler. Le gouvernement n’a annoncé que quelques heures avant que le rapport serait dévoilé dans la soirée. Plusieurs analystes politiques pensent que cette publication anticipée est politiquement motivée. Elle aurait servi à détourner l’attention d’une autre affaire embarrassante pour le gouvernement : celle du départ sans encombre du président soudanais Omar el-Béchir du territoire sud-africain la semaine dernière.

RFI

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